Les chroniques de Daniel Meurois
Novembre 2009
« Vous ne me reconnaissez pas ? Regardez-moi bien… »
Cette question aux accents souvent pathétiques, on me l’a posée des quantités de fois à l’issue d’une conférence ou d’une rencontre publique. « Non… ai-je toujours répondu, non, je suis désolé… ». Et c’est vrai, j’ai toujours été désolé de devoir lâcher ce « non » tel un verdict sans appel possible. La vérité fait parfois mal; c’est pour cela qu’elle fait souvent fuir et qu’on lui préfère le refuge du rêve.
Pourtant, que répondre d’autre lorsqu’on sait pertinemment qu’offrir un « oui », comme on remettrait un diplôme serait criminel ? Même un diplomatique « peut-être » le serait tout autant.
Nourrir l’illusion n’a jamais aidé quiconque. On ne sème pas ses hologrammes à tous vents sans de lourdes conséquences. J’en connais qui le font, hélas… en chuchotant des noms, en distribuant des rôles du passé et en s’attribuant ainsi au passage leur ration de pouvoir personnel.
Je le mentionne régulièrement, j’ai jusqu’ici rencontré beaucoup de personnes en demande de reconnaissance. Les apôtres Jean et les Marie-Madeleine - bien sûr - se comptent par dizaines, les Akhenaton et les Nefertiti également, sans parler des Melchisedek et des Moïse. Il m’est même arrivé de discuter au téléphone avec deux Bouddha Maitreya et une Vierge Marie…
Si j’évoque encore tout cela une nouvelle fois, ce n’est toujours pas pour en rire. Je voudrais seulement essayer de mieux comprendre et faire comprendre. Dire que ces personnes sont folles et qu’il faudrait rapidement les diriger vers un psychiatre ? Non, je ne prendrai pas cette direction parce que je crois que les notions de folie et de dérangement mental sont floues, subjectives et de ce fait fluctuantes.
À vrai dire, il me semble que nous sommes tous malades à notre façon sur cette Terre… et que nous le resterons tant que nous n’aurons pas fait le tour de tous les délires nous permettant de nous trouver enfin.
J’exagère ? Tout est question de regard et de parti pris.
Des personnes atteintes de pathologies mentales et de troubles de la personnalité, il existe autant qu’on le veut à tous les niveaux de nos sociétés humaines. La plupart du temps, on les juge ¨normales¨ même si elles provoquent des guerres, dérobent les biens d’autrui, vendent des armes, jouent aux apprentis sorciers dans des laboratoires, torturent les animaux... ou tyrannisent tout simplement leurs proches dans leurs milieux familiaux et professionnels. À côté d’elles, toutes les Marie-Madeleine du monde sont bien inoffensives !
Ce que je crois décoder en observant cela c’est surtout une grande souffrance, celle de l’être humain dans sa globalité, un être qui ne sait ni qui il est, ni où il va. Vieille question s’il en est, évidemment… Question dramatique aussi parce que de plus en plus aiguë de nos jours.
Je ne referai pas ici le procès d’un monde qui a perdu ses repères et ses valeurs fondamentales. C’est inutile, la constatation serait stérile.
Non, si j’ai pris la plume, c’est plutôt pour parler de la simplicité et du bon sens… Bref, pour un rappel de la seule et unique de nos identités qui vaille qu’on s’y attarde. Notre identité en tant qu’Apprentis de la Vie.
Quels que soient les masques que nous choisissions de porter, celle-là, nous l’avons tous en commun. Un jour ou l’autre, elle vient se planter droit devant nous et nous impose sa réalité sans fard.
Que nous pensions avoir été Gengis Khan, Jules César ou Sainte Thérèse de Lisieux n’y change rien car c’est dans la nudité de notre âme que nous serons tous appelés à nous regarder ultimement. Ce seront alors nos peurs et nos manques qui nous raconteront… C’est notre coupure d’avec notre Essence qui nous fera hurler… jusqu’à ce que nous acceptions de ¨rendre l’arme¨, c’est-à-dire de ne plus jouer de rôle, de ne plus tricher.
À ce niveau-là, nous n’avons rendez-vous avec personne d’autre qu’avec nous… car il est sans doute moins tragique de brandir un masque face à autrui que face à soi-même. Se laisser endormir par le mensonge et s’enfoncer peu à peu dans l’illusion en s’imaginant qu’on va ainsi grandir c’est se programmer ¨quelque part dans le temps¨ un réveil forcément douloureux.
Le besoin de reconnaissance nous est commun à tous, c’est une évidence. Même un animal réclame qu’on l’apprécie. Le sentiment d’être aimé fait partie des aliments de base vitaux pour l’âme, tout comme celui d’aimer. Il n’y a rien à dire contre cela. La vie repose sur cet échange. Il y a seulement problème lorsqu’on se met à croire qu’il faut avoir - ou avoir eu - ¨un nom¨ pour mériter l’amour ou la reconnaissance.
On ne sait pas assez qu’il y a de grands noms sous lesquels se cachèrent ou se cachent encore des êtres humains immatures.
On ne réalise pas non plus qu’il y a des disciples du Christ qui furent de grands ignorants ou de bons manipulateurs et dont on peut se demander pourquoi l’Histoire a conservé leurs noms. L’Église a souvent fabriqué des saints sur des bases politiques…
Dans la même veine, beaucoup ne parviennent toujours pas à comprendre qu’il n’y a aucune gloire à avoir éventuellement été Atlante… pas davantage que celle de se savoir aujourd’hui Européen ou Américain.
Ce qu’il nous faut, c’est arrêter de fuir en s’administrant soi-même des anesthésiants de conscience. Et fuir… c’est se bâtir des scénarios comme on s’accrocherait des sortes de médailles dans l’aura. On s’en repaît sur le moment, ça scintille mais… ça nous éloigne de nous-même, de cette ¨essence de nous¨ qui a besoin de respirer et de se retrouver sans tourner en rond plus longtemps.
Se souvenir n’est pas ce que l’on croit. Si cette faculté est rarement donnée à un être humain c’est parce qu’elle est lourde de conséquences. C’est parce qu’elle exige l’oubli de ce que celui-ci n’est pas en vérité. ¨Cet ¨oubli de soi¨ qui finit par déverrouiller la Mémoire ne serait-il d’ailleurs pas mal nommé puisqu’il s’agit en fait d’un ¨oubli de moi¨ ?
Se souvenir a donc un prix que l’ego ne supporte pas longtemps. Ainsi, la Mémoire qui se hisse au-dessus des mémoires est-elle un test qu’il ne faut pas trop s’empresser de réclamer…
Si nous sommes nombreux dans notre société à vouloir nous y soumettre, il importe d’en connaître les exigences.
Ma compagne Marie Johanne disait fort justement voici peu de temps ; « Il y a des vies pour parler et des vies pour se taire… ». En d’autres termes, elle nous rappelait l’Intelligence, la Sagesse et l’Amour du Divin qui nous placent toujours dans les conditions les plus favorables à notre épanouissement… même si celles-ci ne sont pas à notre goût.
Souvenons-nous donc vraiment que si la Vie ne nous paraît pas toujours juste, elle est par contre rigoureusement exacte… Elle sait ce qu’elle fait !
http://web.me.com/meurois/Site/Les_chroniques_de_Daniel_Meurois.html
Excellent! Comme toujours.
Et cette phrase:" Et fuir… c’est se bâtir des scénarios comme on s’accrocherait des sortes de médailles dans l’aura."