GMH : On parle de plus en plus d'une planète X que beaucoup d'auteurs et médiums associent à l'astre Nibiru (ou Neberu) des tablettes mésopotamiennes. Qu'est-ce que Nibiru ? N'est-ce pas l'auteur Zecharia Sitchin qui en a parlé le premier ?
Anton Parks : C'est effectivement Zecharia Sitchin qui est à l'origine du "virus" planète X ou Nibiru. D'après ses calculs, cette planète devrait rejoindre notre système solaire entre 2012 et 2060. Manifestement, comme 2012 approche à grands pas, il pencherait plutôt pour la date la plus éloignée.
On trouve trace de Nibiru ou Neberu / Marduk dans la littérature mésopotamienne. Il s'agit d'un astre mystérieux que quelques rares tablettes (l'épopée Enuma Elish et les tablettes : KAV 21B ; CT 26.41 ; CT 25.35.7 ; K.6174 et K. 12769) évoquent comme ayant un rapport avec les activités des dieux (royauté, guerres) et celles de l'humanité (déluge, travail de la terre). Toute la thèse de Sitchin est échafaudée sur la notion de cette planète errante et qui appartiendrait au système solaire, mais dont l'orbite fortement elliptique autour du soleil posséderait, selon lui, une période de 3.600 années terrestres. En terme clair, cela veut dire que ce chiffre correspondrait au temps que mettrait cette planète hypothétique à revenir vers la Terre de façon cyclique.
Ce que ne précise pas M. Sitchin et que j'explique dans mon second ouvrage Adam Genisis, c'est que le Šár (3.600) était une unité de mesure fréquemment utilisée par les Mésopotamiens. On la retrouve sur de nombreuses tablettes qui n'ont absolument rien à voir avec Neberu. Notons par exemple le récit du déluge dans l'épopée ninivite de Gilgamesh où le Noé mésopotamien confectionne son bateau à l'aide de "3 x 3 600 unités d'asphalte (Šár)" à la ligne 65 de la tablette. L'embarcation possède d'ailleurs "une superficie de 3.600 mètres carrés (Ikû)" comme formulé à la ligne 57… De nos jours, en géographie, 3.600 secondes (1/60ème de minute) représentent un degré.
Bref, c'est en se référant à la tablette d'argile VA-243 que M. Sitchin nous dit avoir relevé la présence de l'astre mystérieux tournant autour de ce qui lui semble être un soleil. Pourtant, cette tablette n'est absolument pas un document astronomique. Elle a fait l'objet d'une publication en 1940 par les soins d'Anton Moortgat pour le Vorderasiatisches Museum de Berlin. Les trois lignes qui composent le texte de cette tablette évoquent simplement : "Dusbsiga (nom personnel), Ili-Illat (nom personnel), ton serviteur". Donc, aucune allusion à Neberu et aucune trace de cette planète en tant que demeure des "dieux" Anunna.
La tablette VA-243 n'est pas un document astronomique, et Neberu n'y est absolument pas citée.
GMH : Voulez-vous dire que les propos de Zecharia Sitchin au sujet de Neberu ne sont pas crédibles ?
Anton Parks : Je n'ai rien contre M. Sitchin, mais puisque vous m'en donnez l'occasion ici, je vais rétablir une vérité malheureusement déformée involontairement ou volontairement par cet auteur depuis plusieurs décennies. Je ne suis pas contre l'idée q'un astre puisse vagabonder dans des systèmes planétaires, mais le problème ne se situe pas là.
Selon les propos de M. Sitchin, les "dieux" sumériens Anunnaki proviendraient de la planète Neberu (qui est en perdition), et ces derniers trouveraient de l'or sur Terre pour restaurer leur atmosphère. Sauf preuve du contraire, les tablettes mésopotamiennes qui formuleraient ces informations n'existent pas. Aucun érudit, aucun spécialiste n'en a jamais fait mention, même entendu parlé ! J'ai fait de longues recherches dans de multiples bibliothèques spécialisées et auprès de plusieurs éditeurs spécialisés dans l'Orient ancien : rien, ces textes n'ont jamais été catalogués… Depuis plus d'une trentaine d'années il a été maintes fois réclamées à Zecharia Sitchin de fournir les références de ces tablettes, mais il ne l'a jamais fait.
Je rappelle aux personnes qui liront ces lignes attentivement, qu'à ce jour, bon nombre de lecteurs et magazines croient toujours aveuglément à la thèse fictive de Sitchin selon laquelle l'astre mésopotamien Neberu serait une planète d'où proviendraient les "dieux" sumériens. Idem pour cette idée d'or tirée des mines terrestres pour filtrer et stabiliser l'atmosphère de cette planète soit-disant en perdition, selon les propos de cet auteur. Libre aux magazines spécialisés de colporter ces inepties. Maintenant que les récits mésopotamiens sont disponibles dans les plus grandes bibliothèques et sur le Net, plus d'excuses ! Tout journaliste sérieux pourra vérifier et constater par lui-même…
Je suis totalement sidéré de voir un tel contentement autour d'un sujet aussi sérieux et qui finalement génère à la fois de la peur et surtout de la désinformation. Le problème vient aussi du crédit que l'on porte à Zecharia Sitchin qualifié, probablement à raison pour certains points, de grand érudit, notamment grâce à son CV. Cependant, l'auteur allemand Frank Dörnenburg a récemment mis le doigt sur un problème dans le CV de Sitchin. Il est écrit noir sur blanc à son propos qu'il aurait "acquis son diplôme au London School of Economics" (LSE)". Or dans cette école, on ne peut absolument rien y étudier qui ait un rapport avec l'archéologie, la sumérologie, le cunéiforme et les hiéroglyphes. Frank Dörnenburg note que de toute évidence, l'école LSE s'est transformée dans sa biographie en "Université de Londres" où là, on peut effectivement étudier l'archéologie. Et à Dörnenburg de conclure : "Il est plutôt probable que, comme adolescent, Sitchin ait bouquiné de la littérature appropriée. Il est évident que le CV de Sitchin a été maquillé soigneusement pour faire d'un journaliste économique un "expert spécialisé" en langues antiques et en archéologie", source : http://doernenburg.alien.de/alternativ/pyramide/pyr06.php
Je pense simplement que M. Sitchin a dû se dire, au début de ses travaux, qu'il ne serait jamais mis en défaut par les spécialistes des tablettes parce qu'il savait qu'ils ne s'abaisseraient jamais à cela.
Bien entendu, cela n'enlève rien aux recherches de cet auteur concernant les sujets autres que Neberu. Son travail est important, particulièrement celui qui concerne certaines de ses traductions des tablettes mésopotamiennes et ses déductions.
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