Je partage ceci avec vous:
Loin de l’American Dream : la voie de l’HohzoUn autre monde. Aux antipodes du modèle américain. Au culte du changement, les Navajos opposent la tradition ; à l’esprit de compétition, la coopération ; à l’individualisme, la solidarité du clan ; au culte de la jeunesse, la sagesse des anciens ; et surtout au « toujours plus » de l’American Dream, la quête de l’Hohzo, le fondement de la culture Diné.
Hozho signifie « beauté ». Mais il veut aussi dire « harmonie » et « santé ». Le savoir-vivre Navajo exige que la poursuite de cet état où « tout doit être à sa juste place », imprègne, de la naissance à la mort, toutes les gestes quotidiens : de la prévention ou du traitement de la maladie au règlement des différents, des relations de couple à la préservation de la nature, de l’économie à la politique tribale.
La quête de la beauté, comme un chemin pour apprendre à être humain au cœur même d’un autre pays qui, à coups de pubs, de feuilletons télé, de paillettes, prétend, comme disent les Diné « conduire à la féerie mais invente un cauchemar ».
Ici donner, c’est surtout recevoirComment les Navajos affrontent-ils cette autre société qui frappe à leur porte ? Comment vivent-ils leur double identité indienne et américaine qui exerce en permanence tension et pression sur leur comportement social ? _
« La plupart d’entre nous réfutent les balises et les illusions de votre monde, me dit Philmer Bluehouse. Vous les Blancs, au fond, votre religion, c’est l’argent. L’accumulation de richesses personnelles, constitue une norme sociale enviable. Pour nous, c’est tout le contraire.
Dans notre société, le respect du Ke’e, c’est-à-dire de la parenté et des obligations à l’égard de la communauté, est essentiel au maintient de l’Hozho.
L’interdépendance et la coopération y sont fondamentales. Une des formules les plus sévères pour juger quelqu’un est : « Tu agis comme si tu n’avais pas de parents ». Notre tradition du « Giveaway », qui signifie « donner » rappelle que quand on partage ses biens, honneur et abondance reviennent au donateur.
Je connais une famille de Chinle qui avait promis d’en organiser un très importante si leur fils revenait sain et sauf d’Irak. Pendant tout le temps qu’il était au front, ils ont accumulé d’énormes quantités de denrées à distribuer - des conserves, de la farine, des couvertures.
Quand le GI est rentré chez lui, la cérémonie a eu lieu. Ils ont non seulement donné tout ce qu’ils avaient rassemblé, mais ils étaient tellement heureux qu’il ne soit pas rentré entre quatre planches qu’ils ont aussi distribué leur frigo, leur télé, leur chaîne stéréo, leur pickup truck, et tous leurs vêtements. Notre richesse, c’est le regard de la communauté qui veut que donner, c’est aussi recevoir » …
La stratégie des faiseurs de paixPhilmer parle avec une infinie douceur. Cinquante ans, visage de cuivre et chevelure de jais, c’est un traditionnaliste, homme médecine et « faiseur de paix », membre de la très officielle division du Peacemaking, la justice tribale. Les Navajos possèdent une Cour autonome modelée sur le système judicaire américain, mais pour régler les délits mineurs, ils ont recours à la tradition.
Plein d’égards, comme le sont tous les Diné, il me demande s’il peut m’expliquer ce qu’on appelle « le processus Navajo de résolution des conflits » qui veut que plutôt que condamner, de laisser germer l’esprit de revanche ou pire de vengeance, plutôt que de céder à la violence, on se parle.
« La plupart des différends qui opposent les gens sont dus à un manque de communication, dit Philmer. Le faiseur de paix fait en sorte que chacun s’exprime. Il invite les parties adverses à réfléchir en remontant à la source de leurs différends. Au besoin, il fait venir la famille. Il ne juge pas. Il reste neutre.
Aucune sanction n’intervient. Violence domestique, querelles pour la garde d’un enfant, vols de moutons ou de voitures : on insiste plutôt sur la meilleure façon de réparer le préjudice et 80 % des litiges sont ainsi solutionnés. Chacun est amené à reconnaître qu’il doit modifier son comportement afin que tout rentre dans l’ordre, dans l’harmonie de l’Hohzo. Et personne n’est perdant. Dans notre culture, ce n’est pas le silence qui est d’or. C’est la parole… »
Parler aux arbres et à la pluieEn Navajo, le mot « religion » n’existe pas. Il n’y a, de même, aucun terme pour désigner l’art. C’est que l’art et la religion font partie intégrante du quotidien.
Respirer, boire, marcher, parler, être ensemble, aimer. Un mode de vie où les hommes ne doivent se sentir ni supérieurs à leurs semblables, ni extérieurs à leur environnement, parce que tous les éléments, humains et animaux, minéraux et végétaux, animés ou non, sont vivants. Tous parents. Tous dotés d’une conscience. Capables de ressentir et de recevoir de nous, des impressions. _
« Chaque matin quand je me lève pour boire un verre d’eau, dit Philmer, je n’oublie jamais de remercier la pluie. Impossible, de même, d’imaginer cueillir un plan de maïs, abattre un arbre ou tuer un mouton sans lui expliquer l’usage qu’on en fera, sans lui adresser une prière, lui demander son pardon pour l’avoir violenté et lui faire une offrande, du tabac ou du pollen… »
Une façon de me rappeler la relation intime qui existe pour les Navajos entre les hommes et la nature et la responsabilité qu’ils ont à son égard. Et attention ! Gare aux écarts de conduite, car, en cas de maltraitance, les forces naturelles sont toujours présentes, et parfois menaçantes.
Faire la paix avec son corps, son esprit et aussi l’UniversRien, ni la maladie, ni la mort, ni les aléas de la vie, n’est ainsi jamais fortuit. Un peu comme chez nous en Bretagne ou dans le Berry. Vous avez un accès de fièvre ? L’assistance se fige. Vous avez peut-être écrasé un hibou. Mieux vaut faire une prière, on se sait jamais.
Le malheur s’abat sur vous, votre vie part à vau-l’eau, vous tombez malade ? Vous êtes peut-être victime d’un « skinwalker », un de ces esprits malins qui peuvent prendre une forme animale et attirer sur vous souffrances et calamités. Urgence. Il faut consulter un hataali, un homme (ou une femme) médecine.
Quelle différence entre un médecin Blanc et un praticien Navajo ? J’interroge Philmer. « Eh bien, lorsque vous allez voir le toubib Blanc, la première chose qu’il vous demande c’est : « Alors vous avez mal au ventre ?
Mais si vous allez voir un homme medecine Navajo, il vous demandera : « Alors, vous avez fait de mauvais rêves dernièrement ? » Ou bien : « Avez-vous déjà tué un serpent ? » Ou encore : « Vous êtes-vous querellé avec un membre de votre clan ? ». Il est tout à fait capable de discerner le dysfonctionnement d’un organe mais il considérera l’ensemble de son patient : son corps, son esprit, mais aussi sa relation avec la beauté du monde et de la nature. Pour lui, la santé est indissociable de l’harmonie qui se met en place quand tout est à sa juste place ».
Ainsi, dans la culture Diné, la maladie, n’est pas le résultat d’un dérèglement physiologique, mais moral, pas d’un virus mais d’une attitude négative à l’encontre d’un lieu sacré, d’un animal, de soi-même ou d’un tiers. On tombe malade parce qu’on a rompu avec l’Hohzo.
Et si, lucidement l’homme médecine laisse aujourd’hui sa place aux spécialistes pour soigner une affection grave, il va, de son côté, s’attacher à ce que son patient retrouve sa « beauté » intérieure, cette part de sacré qui est en chaque homme et qui le relie à l’Univers.
La guérison occidentale implique qu’on tue le germe, alors que pour guérir, le malade Navajo se doit de d’abord de reconquérir son équilibre.
Article complet ici: http://www.cles.com/itineraires/article/chez-les-navajos-la-beaute-est