Comment les mots sont utilisés, accolés ensemble pour nous manipuler et mettre la confusion dans les esprits.
Parmi les moyens les plus efficaces dont use le pouvoir pour assurer son exercice et sa permanence, il existe une technique redoutable connue des antiques chinois : « le gouvernement par les noms ». Cette opération de manipulation psychosémantique consiste à contrôler les corps des sujets par la maîtrise des noms qui sont censés les définir ou par lesquels ils sont convoqués.
Ruse typique, qui présente deux variations principales, employées au gré des nécessités :
- Accoler un nom infâmant à ce qu’on veut discréditer.
- Faire usage d’un nom qui résonne positivement dans l’imaginaire du peuple afin de tromper la perception de ce qu’il recouvre en réalité.
Dans les deux cas, il s’agit de faire appel au pouvoir de la suggestion associative.
Lorsque le pouvoir se voit menacé par un individu, un groupe ou une façon de voir qui met en danger le simulacre dont il se prévaut, il lui faut alors salir symboliquement cet adversaire.
A cette fin seront convoqués les mots les plus connotés négativement dans l’imaginaire collectif, étant bien entendu que pour ce faire, l’imaginaire collectif aura été préalablement conformé de façon à charger ces mots d’une opportune toxicité.
Exemples :
Si vous estimez que la différence sexuelle est un fondement biologique et civilisationnel dont l’effacement serait un certaine façon d’en finir avec la vie, vous êtes « homophobe » (ou « réactionnaire »).
Si vous considérez qu’un certain niveau d’homogénéité ethnique et culturelle doit être maintenu au risque de détruire la cohésion sociale et nationale de votre pays, vous êtes « raciste » (ou d’« extrême droite »).
Si vous ressentez que la vie n’est pas réductible à une mécanique des corps, vous êtes un « obscurantiste » (ou un « fou de dieu »)
Si vous revendiquez le droit d’avoir une lecture de la seconde guerre mondiale qui diverge de la version officielle imposée par les vainqueurs, vous êtes « antisémite » (ou « négationniste »).
A l’inverse, afin de mener à bien son projet de domination et s’assurer que le peuple consente à sa mise en esclavage progressive, le pouvoir déclarera commettre ses forfaits au nom de valeurs bienfaisantes, poussant ainsi la masse dominée à vouloir croire qu’on lui veut du bien quand on lui fait du mal.
Cette fois, toujours par suggestion associative, il usera de mots qui annihileront la capacité collective et individuelle à se défendre, puisque aller contre les principes affichés sera ressenti par les victimes comme un reniement de ce qui les constitue.
Exemples :
Etre un fervent défenseur du capitalisme mondialisé sous hégémonie anglo-saxonne et sioniste, c’est être un « démocrate ».
Défendre les privilèges et promouvoir les valeurs d’une élite maçonnique corrompue, c’est être « républicain ».
Considérer que « l’homme n’est pas une marchandise comme les autres », c’est être « humaniste ».
Ainsi, par cette double opération de mystification, le pouvoir assure la cécité du peuple :
Incité à croire que la main qui le viole lui prodigue des preuves d’amour, il détourne son regard de l’agresseur. Intimidé par la menace du nom infâmant qui lui est associé, il répudie celui qui veut lui faire voir l’insoutenable vérité.
Détourné par la ruse des causes réelles de sa souffrance, le sujet accumule une colère qu’il va être incité à décharger sur celui qui cherche à lui démontrer la manipulation.
Maintenant que les yeux du peuple se décillent, le pouvoir se transforme en agent de gestion de la colère accumulée : tout son travail consiste désormais à la diriger vers le réceptacle qui convient.
En particulier, ceux qui ont le front de le mettre à nu.
Couplé à la fixation des corps par la fascination spectaculaire (opération hallucinatoire de mise aux fers par l’image), le détournement de la colère légitime en direction des éclaireurs assure au pouvoir, simultanément, l’aboulie généralisée et l’ostracisme des éveillés.
Gros problème : de plus en plus de français refusent de déverser leur colère sur ceux qui s’efforcent de leur fournir les outils conceptuels nécessaires à l’identification du pouvoir et de ses procédés. Pire : un nombre croissant d’entre eux se détourne de la consolation spectaculaire pour ouvrir des livres.
Si cette proportion de patriotes éveillés atteint la masse critique, il est à craindre que le pouvoir tente un coup de force ultime. Mais il est surtout à espérer que nous pourrons à nouveau crier « vive la France » en fixant l’horizon, sans vergogne.
Max Lévy
source : http://www.cercledesvolontaires.fr/2014/02/24/de-la-terreur-semantique/