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 La demeure du rayonnant-Chapitre 23

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MessageSujet: La demeure du rayonnant-Chapitre 23   La demeure du rayonnant-Chapitre 23 Icon_minitimeJeu 15 Nov - 20:29

Voici le Chapitre 23 de La Demeure du Rayonnant (chapître inédit), il peut y avoir, de ci de là des p'tits problèmes d'accent ou d'autres détails dues à l'OCR.

La Demeure du Rayonnant
Chapitre XXIII
Daniel Meurois

J'ai encore souvenir...

... Et une nouvelle vie à Alpu commença alors. Que me restait-il d'autre à faire que de poser mon simple bagage aux pieds de Tyrsa et lui demander asile, à jamais ? Je lui avais offert le trop-plein de mon coeur, elle me proposa sa douceur et l'ombre de sa tente pour soulager mon corps de l'usure des routes et des déserts. Mes pieds étaient fatigués des pierres qu'ils avaient dû fouler et mes yeux étaient brûlés par les espoirs restés suspendus quelque part dans l'infini. Quant à mon âme, je ne savais plus vraiment ce qu'il en restait. Je crois que pendant de nombreux mois je l'ai confondue avec mon corps et qu'inversement, j'ai aussi pris celui-ci pour mon âme. Il me semblait, en fait, que ma destinée s'arrêtait la, d'un coup et qu'après un long voyage sur les eaux, j'arrivais au bout d'un océan qui se déversait soudainement dans le néant.

Certes, Tyrsa m'affirmait sans cesse que j'étais bien de retour chez moi, mais lorsque l'on à trop cheminé, trop volé, trop aimé, il arrive parfois que l'on ne sache plus même reconnaître les mots de vérité et de réconfort. On ne voit plus guère que le gouffre apparent que la vie a creusé en soi... et il arrive que l'on se prenne au jeu de se laisser glisser le long de ses parois...
« Trop aimé ? Est-ce toi qui prononces ces paroles, Nagar ? Comment peut-on dire que l'on a trop aimé ? »

Sur le petit sentier bordé d'épineux qui nous ramenait du marché, Tyrsa s'arrêta brusquement et planta ses yeux dans les miens, d'un air interrogateur. « Dis-moi que tu as mal aimé, peut-être... Oui, peut-être que je te croirai... Mais trop! Comment peut-on croire que « trop » puisse s'accorder avec « amour » ? Elle posa son panier sur le sol et ajouta aussitôt. « Non Nagar, ne rétrécis pas l'être que tu es, ne lui permets pas de s'étouffer dans les regrets. Quelque chose en moi sait que tu as parcouru les routes de ton destin ainsi que tu devais le faire et qu'il n'y a sans doute pas un joyau, pas une pointe acérée qui n'aient eu leur raison d'être. Tu parles de tes douleurs comme tu parlerais d'erreurs ou d'injustices, mais c'est toi-même qui me l'as enseigné jadis en reprenant inlassablement les paroles de notre père: « La Vie ne nous donne jamais que la boisson qui convient a notre soif. » Si tu veux en faire un poison aujourd’hui. libre a toi, mais je ne pourrai rien faire. Cependant écoute-moi bien: il n'est jamais l'heure de s'empoisonner... Jamais ! Moi, je te le dis, tu n'as pas encore suffisamment aimé! »

Tyrsa reprit son panier, le replaça d'un geste vif sur sa tête et se mit à marcher devant moi, sans rien dire d'autre, jusqu'à ce que la tente fût en vue. Je ne me souvenais pas avoir vu ma soeur ainsi. Non pas fâchée, mais debout et en réaction contre quelque chose de visqueux qu'elle voyait clairement s'insinuer en moi. La mémoire qui roule ses vagues sur elle-même et se complaît à polir des regrets est toujours une fabricante de victimes. Je savais que Tyrsa disait vrai, aussi en me frayant un passage a travers le troupeau de moutons qui me séparait encore de notre tente, je me promis bien de tout mettre en oeuvre pour ne plus me laisser pétrir par les douloureux vestiges de mon passé. Je compris du même coup, comme après une gifle salvatrice, que je ne désirais plus rien et que c'était cela qui faisait que les forces de Nagar-Têth se lovaient sur elles-mêmes et aillaient finir par s'endormir.

Je me souviens avoir laissé passer trois nuits, trois nuits presque sans sommeil, trois longues nuits pour mûrir un fruit de renaissance. Sous les toiles poussiéreuses de notre tente, il m'arriva alors d'écouter la respiration de Tyrsa étendue sur sa natte, a l'autre bout de l'abri tandis que son f ils, un solide gaillard qui parlait peu, dormait dans une couverture en travers de l'entrée.

A l'aube qui suivit la troisième nuit, je me levai d'un bond et me précipitai vers ma soeur. « Partons, murmurai-je a son oreille. Viens Tyrsa, allons-nous-en d'ici. Me suivras-tu ? » « Tu veux donc encore partir... ? » Tyrsa, qui gardait les yeux fermés, demeura longtemps ainsi. Aussi longtemps que je mis a formuler ma réponse.

« Quelque chose est définitivement terminé pour moi ici. Je ne peux y f aire naître de projet car aucun visage ne m'y parle désormais. Les montagnes elles-mêmes me paraissent avoir changé de silhouettes. Est-ce Alpu qui est morte ou est-ce moi ? Je l'ignore mais le monde a pris une autre couleur derrière mes yeux. Autrefois, certains ermites du désert de la Terre Rouge ne cessaient de dire que la sérénité naît du non-désir. Ce matin, sous notre tente, je puis bien dire que cela me semble enfantin. Celui qui ne désire rien ne fait plus battre la Vie en lui. Il s'extrait de son rythme, il nage a contre-courant de son avance. Cette nuit, je me suis juré de sortir de ce non-désir, Tyrsa. C'est toi qui m'en as montré le somnifère. Pourquoi donc toujours voir attachement et asservissement dans le fait de désirer ? Si cela est, on peut cependant y voir aussi le grand mécanisme par lequel Aton nous enseigne comment bâtir et nous incite a aller vers d'incessantes métamorphoses. Le désir, cela peut-être a coup sûr l'élan et la source de toute création ! »

Je n'eus pas beaucoup a ajouter pour que Tyrsa me comprenne. « Où tu voudras, me dit-elle. Je suivrai le conseiller de Pharaon ou il le voudra... » En vérité, je vis que ma soeur n'était plus très attachée aux quelques arpents de caillasse où les événements avaient voulu qu'elle plante sa tente. Elle en avait fait le tour mille et mille fois et sans doute y avait-elle suffisamment fait éclore sa fleur de patience pour trouver juste de les quitter. Un projet prit alors naissance. Nous irions vers la mer, quelque part vers Ur-Gheret, vers ces rives où, plus de vingt années auparavant, je m'étais embarqué afin de rejoindre Pharaon.

Le fils de Tyrsa résolut immédiatement de ne pas nous suivre. Il avait sa vie a Alpu, ses amis, son lopin de terre, même si celui-ci était maigre, et bientôt, sans doute, s'y marierait-il. Il y avait quelque chose de compréhensible et de légitime dans tout cela, et Tyrsa l'admit d'autant mieux que cette décision renforçait la complicité qui renaissait avec force entre nous. Qu'allions-nous faire à Ur-Gheret ? Nous l'ignorions totalement. Peut-être tout simplement vivre et c'était déjà énorme pour moi sans qu'il fût besoin de tracer quelqu' autre projet. L'organisation de notre départ ne nous prit qu'une dizaine de jours. Je me procurai un chameau et Tyrsa rassembla dans deux couffins de joncs tressés les quelques biens qui pourraient nous servir. Ma mémoire n'a pas fixé en détails les images de notre départ. Je sais que c'était un matin, très tôt, et que cela ne fut pas douloureux. Nous étions même joyeux, comme on peut l'être lorsque l'on sait, au fond de soi, que l'on vient de répondre à un appel vrai.

Le long d'un petit sentier parallèle à la grande route qu'empruntaient les caravanes de marchands, nous avançâmes pendant des jours et des jours dans la fournaise du désert. Notre chameau portait nos biens, nos vivres et surtout l'eau. Nous parlions peu car nos âmes, de connivence, n'avaient plus besoin de l'artifice des mots pour exprimer leur essentiel. Il y eut un moment, pourtant, où tout changea. Tout. Définitivement et jusqu'à la couleur de nos yeux, sans doute. C'était une fin de journée et nous marchions côte à côte, habités par cette fatigue qui procure parfois aux corps une belle nonchalance. Nos mains se heurtèrent, se heurtèrent encore, puis se cherchèrent, se touchèrent... pour enfin se rencontrer. Je me souviens que l'un et l'autre nous n'osions pas nous regarder. Nos regards restaient fixés sur la ligne dorée de l'horizon, en quête apparente du point idéal pour y dresser une tente sommaire, le temps d'une nuit. Mon coeur battait a se rompre et, comme l'étreinte de la main de Tyrsa se renforçait dans la mienne, vint un instant ou mes jambes ne parvinrent plus a avancer l'une devant l'autre. Je m'arrêtai, n'en pouvant plus et craignant de prononcer ne serait-ce qu'un mot qui briserait toute la magie de l'heure. Alors, dans un seul mouvement, je sentis le corps de Tyrsa venir se plaquer contre le mien... à moins que ce ne fût le contraire, que ce fût tout mon être qui alla à la rencontre du sien. Je sais seulement et avec certitude que j'eus envie de dire « enfin ! » et il me semble que ce fût aussi le mot que Tyrsa laissa échapper parmi quelques larmes chaudes dans le creux de mon cou. « Oui, enfin ! » me répétai-je au-dedans de moi-même tandis que, toujours incapables de se regarder, nos corps s'étreignaient sans cesse davantage. Enfin ... Il fallait donc que nous arrivions jusque la, ce soir-là et pas un autre, parmi ces pierres ... C'était cela le but, la porte qui s'ouvrait, la paix qui s'annonçait... Enfin! Nous n'allâmes pas plus avant dans le désert. Aussi fiévreux l'un que l'autre et les yeux embués de gouttelettes d'or, nous tendîmes, entre un vieil arbre sec et deux buissons, le carré de toile qui nous abriterait du vent pour la nuit. Les mots d'aveu mirent longtemps à se répandre sur nos lèvres avant de rencontrer le coeur de l'autre. Ils étaient de toutes façons trop petits, trop maladroits. Ce sont nos êtres tout entiers qui se déversèrent l'un dans l'autre, nos êtres sans frontières, comme s'ils s'étaient connus dans leur intégrale vérité depuis toujours. Je perçois encore le crépitement du petit feu que nous avions allumé avec quelques brindilles et trois morceaux de branches mortes. Il continue de me réchauffer jusqu'à ce jour car il est de ceux qu'aucune pluie, qu'aucun vent de sable ne sauraient faire taire. Il est celui de la reconnaissance et de la fusion. C'est ainsi que Tyrsa et moi nous nous aimâmes. Ce fut la rencontre avec la grande douceur... Ce fut l'aube nouvelle que tous deux nous avions attendue sans nous l'avouer. L'avions-nous d'ailleurs secrètement désirée depuis toujours ? Je n'en doutais plus. Les millénaires qui se sont égrenés depuis m'ont enseigné que, dès l'instant de notre naissance, nous savons... Oui, nous savons le jardin que nous aurons à parcourir, nous savons les arbres sous lesquels nous nous arrêterons, nous savons le sourire qui magnifiera le nôtre et jusqu'au velouté de la peau qui appellera le coeur de nos mains, même au terme du voyage...

Au matin de notre première nuit, Tyrsa me confia qu'elle avait toujours porté en silence notre amour au-dedans d'elle-même. Il était pour elle semblable au bouton d'une fleur dont elle était convaincue qu'il éclorait un jour, même si ce devait être sous d'autres cieux ou en d'autres temps. Elle disait qu'il lui avait suffi d'écouter les voix qui se faufilent toujours dans le vent, ces voix que l'on ne perçoit jamais mais qui disent tout, pourvu que l'on ne leur oppose pas nos impossibilités, nos « oui mais », nos « non, parce que... » et nos « moi je » impertinents. C'est ainsi que Tyrsa et moi commençâmes une autre vie, de la même façon que l'on découvre l'entrée d'un royaume, une terre de communion et d'évidences. Oui Tyrsa, tu étais mon île du bout du monde, et sans doute étais-je devenu ton embarcation pour d'autres rives. J'avais appris là passion, mais avec toi c'était un amour de douceur, de tendresse et d'infinitude que je découvrais, un amour dans lequel il n'est nul besoin d'expliquer ou de prouver quoi que ce soit à l'autre, un amour-lumière, un amour-Amour. Alors, nous parlâmes longtemps, presque sans arrêt a travers les sentiers qui nous menaient à Ur-Gheret, comme si les digues de nos âmes avaient soudainement volé en éclats et que nos souffles n'en pouvaient plus de s'être contenus jusque là. En ces heures bénies, j'ai souvenir d'avoir eu le sentiment de la subtile et aimante présence de Sekhmet. Celle-ci venait continuellement nous rejoindre tel un acquiescement et une bénédiction. Elle nous cherchait jusque dans nos rêves, lorsque, blottis l'un contre l'autre sous notre couverture de grosse laine, nous nous abandonnions pour franchir ensemble la frontière cristalline qui sépare les mondes. Peut-être est-ce lui d'ailleurs, Sekhmet, qui aida notre désir, notre élan a mûrir.

Peut-être est-ce lui qui nous murmura les grandes lignes du projet que la Vie attendait encore de nous. Toujours est-il que l'évidence s'imposa à nous le même jour, alors que nous gravissions par un large et beau chemin les montagnes boisées qui nous séparaient ultimement de la mer et de ses ports. L'air était devenu plus respirable et c'était un bonheur que de se faufiler à l'ombre des grands conifères ou des petits chênes, véritables cadeaux du Ciel pour les voyageurs épuisés. L'évidence, donc, jaillit d'elle-même, profitant d'une courte pause dictée par notre chameau qui ne se sentait plus d'aise devant la profusion des feuilles vertes et des jeunes pousses. J'avais avec moi quelques biens qui me venaient des dons de Pharaon. Je les avais soigneusement gardés au fil des années, n'en usant que parcimonieusement dans l'attente de je ne savais quoi. C'étaient des pierres dont certaines avaient incontestablement une grande valeur, et aussi deux ou trois bijoux, des bagues d'or. Toutes étaient des marques d'amitié ou de reconnaissance de la part de celui qui, pour moi, avait définitivement mérité le nom de « Maître ». Dans leur petit sac de cuir noirci par les années, elles me disaient maintenant « Sers-toi de nous, fais-nous rencontrer notre présente destination, fais-nous enfin briller pour Aton ! »
C'est ainsi que naquit l'idée d'en utiliser quelques-unes comme monnaie d'échange afin de faire jaillir du sol, quelque part sur la côte, une demeure, simple mais belle, une demeure pour accueillir et soigner, un lieu destiné a panser les corps souffrants, peut-être aussi, qui sait, a parler aux âmes pour les débarrasser de leurs épines.

« Mais oui, Nagar... Comment imagines-tu un seul instant t'en tenir aux blessures de la chair ? Tu renierais qui tu es et ce que tu as enseigné. Le corps c'est l'éternel tremplin, le vrai temple d'Aton ! Voudrais-tu l'amputer de son disque d'or ? Notre demeure sera rayonnante! Tu y laisseras ton coeur parler encore et encore... et quand bien même tu ne le voudrais pas, tu ne pourrais faire taire ce qui, au fond de toi, s'exprime spontanément. Je ne crois pas qu'il existe un seul être en ce monde qui, s'il veut continuer de vivre, puisse refuser la destination écrite dans son propre regard. Si cette Force que tu appelles Aton m'a placée sur la route de ton retour, c'est aussi pour que tu n'oublies pas cela. Tu sais très bien que les vagues et le sable ne se mêlent pas que pour leur simple bonheur. Au-delà de leur jouissance commune se cache un dessein... Toujours, Nagar, toujours ! Ces pierres précieuses, tout autant que nos retrouvailles, en sont le rappel impérieux ! »
(Suite ci-dessous)
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jm
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MessageSujet: Re: La demeure du rayonnant-Chapitre 23   La demeure du rayonnant-Chapitre 23 Icon_minitimeJeu 15 Nov - 20:33

Oui, je le savais... La Vie voulait se développer encore un peu plus à travers nous. Elle cherchait à inventer un autre itinéraire et lui résister était peine perdue. Résister à la Vie ? Cela n'a d'ailleurs aucun sens ! Elle est là, partout a la fois... Même dans le creuset de la mort, Elle palpite, Elle nous attend, plus vive que jamais, plus précise et plus bavarde encore! Et on ne peut Lui échapper parce qu'en définitive, Elle est nous... et que nous sommes Elle. Dans une flammèche qui crépite, il y a le Feu tout entier, tout le Feu du monde! On ne le sait pas, on ne le comprend pas... et si même on parvient, dit-on, à le comprendre, on ne le croit pas ! On n'en est pas vraiment persuadé, comme si c'était trop beau, trop grand, trop puissant. Le Rayonnant, en vérité c'est nous, c'est notre essence indéfectible à tout jamais immaculée, ce Coeur de notre coeur d'avec lequel nous ne faisons souvent que cultiver une triste séparation. « Oui, mais je ne veux pas d'un temple... » m'entends-je encore rétorquer a Tyrsa dans une ultime réticence. « Qui te parle d'un temple ? Tu as fait le tour de tous les temples... et le seul qui soit réellement debout, parce qu'il n'a pas de murs, c'est celui qui vit en toi, comme en moi et en chacun. Nous parlerons aux corps, Nagar et ce sont les âmes qui nous répondront! N'as-tu jamais remarqué que si on cherche a instruire directement l'âme, c'est généralement le corps qui se dérobe ou l'être tout entier qui se sauve ? Du Soleil, on ne considère trop souvent que le coeur qui aime... Pourtant, ce Soleil a aussi des mains pour caresser et des jambes pour avancer. »

Touche après touche, souffle après souffle, Tyrsa m'aida ainsi à faire le nettoyage dans mon être qui avait été si durement meurtri. Les derniers jours de notre avance paisible vers Ur-Gheret furent un délicieux mélange d'amour partagé et de paroles de feu échangées. C'était en fait comme si, pour la première fois, je découvrais la véritable Tyrsa, étrange équilibre entre l'impétuosité, le flamboiement, la douceur et la tendresse. Elle m'offrit un visage de la Force que je n'avais su soupçonner en elle durant toutes ces années envolées derrière nous et cette découverte était un émerveillement. Sa main, qui se glissait dans la mienne sur le bord des chemins, savait si bien traduire la révélation et la caresse de paix que j'avais toujours attendue... !

Enfin, du sommet d'une colline, la ligne bleue et argent de la mer finit par nous apparaître. Ur-Gheret était là, légèrement sur notre droite, presque à nos pieds, avec les toits plats de ses maisons, ses vergers, son port et les mats de ses bateaux que l'on devinait à peine...
C'était aussi une succession de petites bourgades étalées le long des plages. En les contemplant, je me souviens que nous éprouvâmes une certaine émotion à la pensée que notre vie se poursuivrait et s'achèverait sans doute là, quelque part, dans une maison au bord de la mer, parmi les pêcheurs et les voyageurs.

Ce soir-la, nous pénétrâmes donc dans la ville d'Ur-Gheret... Nous y pénétrâmes pour la fuir dès le lendemain. La bourgade et son port étaient plus beaux qu’autrefois, mais une chose devenait certaine, ce n'était pas elle qui nous attendait. Tyrsa et moi avions soif de cette sérénité que l'on ne trouve qu'au contact de la nature, fût-elle pauvre.
Pendant quelques jours nous arpentâmes donc la côte, nous mêlant parfois aux caravanes de marchands, aux voyageurs et même aux mendiants afin de ressentir un lieu, une ambiance, ou peut-être une certaine lumière, une transparence de l'air qui feraient écho en nous. Nous trouvâmes enfin un petit tertre à la sortie d'un village et à environ deux heures de marche d'Ur-Gheret. Il y avait là des amas de pierres informes qui attestaient de la présence d'une habitation, sans doute une bergerie, dans un temps lointain. A proximité des ruines poussaient encore quelques figuiers dont nul ne semblait se soucier et d'autres arbres aux essences variées qui procuraient une ombre douce... Et puis surtout, on voyait la mer avec son beau ruban bleu étincelant. Elle n'était qu’à quelques enjambées, tant et si bien que l'on y distinguait aisément les pêcheurs qui, dans leurs barques, jetaient et ramenaient leurs filets. La, et pas ailleurs, nous comprîmes alors que nos deux coeurs unis étaient en résonance avec la terre que nos pieds foulaient et que personne ne revendiquait.

Il nous fallut quelques mois pour y édifier une belle bâtisse et ses dépendances. Pour cela, je parvins à réunir trois artisans et je pris plaisir à me transformer, pour la circonstance, en apprenti tailleur de pierres. Tyrsa, pendant ce temps, s'occupa des préparations huileuses dont Sekhmet lui avait légué le secret. Celles-ci nous serviraient dans notre projet. Elles représentaient la base de ces nouvelles semailles que nous projetions d'entreprendre. Les mois, donc, s'écoulèrent de la sorte, puis les années... Deux, je crois. Ainsi que nous l'avions espéré, notre demeure fut bientôt la halte recherchée de tous ceux qui étaient en peine, ou dans leur âme, ou dans leur corps. Les yeux et le sourire de Tyrsa parlèrent sans doute bien plus que mes talents de thérapeute. Ils étaient des portes ouvertes pour tous ceux qui avaient besoin d'une aide ou d'un réconfort. Je soignais avec mes connaissances, quant à elle, il lui suffisait de faire entendre le son de sa voix et de faire ressentir la couleur dont elle teintait les mots offerts à qui s'arrêtait.

Le bruit se répandit rapidement que j'avais été conseiller de Pharaon. Dès lors, les riches propriétaires de la côte attachèrent, les uns après les autres, leurs chevaux ou leurs chameaux a la pierre de notre portail. C'était inévitable et cela nous replaça face à un monde d'opulence que nous ne connaissions plus, ni l'un ni l'autre, depuis des années. Celui-ci aurait pu constituer un piège mais Tyrsa et moi-même voyions déjà le crépuscule de nos vies arriver paisiblement. Nous n'avions plus rien à prouver ni à nous prouver, plus de faims éventuelles à assouvir. Nous n'avions guère, me souvient-il, que l'appétit d'aimer et de faire aimer.
Je m'aperçus, un jour, que je ne parlais presque plus d'Aton... non parce que je l'avais oublié dans les sables de la Terre Rouge, mais parce qu'il était devenu intérieur à moi. Auprès de Pharaon, pendant des années, j'avais cru qu'Il m'habitait, même si je n'en comprenais pas toujours les desseins mystérieux. Mais a présent je voyais à quel point j'étais néanmoins resté dans Sa périphérie, hormis quelques heures magiques pendant lesquelles j'avais su me fondre en Lui. Le secret de ma métamorphose ? Probablement ce que l'on appelle l'érosion du temps et qui, en limant nos aspérités, peut agir sur l'âme a l'inverse de la trace qu'elle laisse sur le corps... Je dis bien « peut agir » car, à cette époque ou nombreux furent ceux qui frappèrent à notre porte, je vis bien que l'âge mûr et la vieillesse suscitaient, hélas, souvent des récoltes d'amertume et de rancoeur.

Aux cotés de Tyrsa, j'avais le bonheur de me sentir lavé et renouvelé et il ne se passait pas une journée sans que je ne remercie le Ciel pour avoir su saisir le cadeau présenté sur une route, en plein désert.
Le dessèchement de l'âme et l'aigreur qui emplit le coeur ne sont certainement pas tant des fatalités que des choix de vie. Oui, l'amour, l'espoir et la force représentent d'abord des actes de volonté! Pourquoi y voir encore et toujours des joyaux surgis spontanément ou par miracle au bord du chemin de quelques élus ? Tout se cultive, tout se façonne! Même le Soleil ! Encore faut-il, et là est la blessure de l'humanité, ne pas simuler l'amour du Soleil, cet amour de l'Amour. Encore faut-il chercher l'humilité qui mène au dépassement de tous les marchandages insidieux que l'on adresse si facilement à la Vie.

Nous soignâmes donc, Tyrsa et moi. Notre maison était devenue telle que nous l'avions portée dans nos coeurs, un havre de pacification, un véritable temple dédie à Aton. Et ainsi que nous l'avions prévu, derrière les corps c'étaient, de fait, les âmes qui nous recevaient.
Tranquillement, les oreilles se tendaient et les coeurs s'entrebâillaient, la plupart du temps a leur propre insu. Avec tendresse et simplicité, les mains d'Aton révélaient leurs empreintes en nous, nous laissant chaque jour un peu plus émus que la veille.

A l'évidence, notre demeure était devenue un lieu d'enseignement... Mais en réalité, ce n'était pas nous qui enseignions car nous estimions ne pas avoir d'enseignement qui nous soit propre.
Ce que nous communiquions ne venait pas de concepts fabriqués à partir de réflexions et de nature à satisfaire l'intellect de façon cohérente comme c'est souvent le cas dans la plupart des systèmes de pensée. Non, Tyrsa et Nagar-Têth ressemblaient plutôt à des accoucheurs. Leur but n'était finalement autre que la libération des consciences de leurs carcans d'habitudes rouillées, de leurs automatismes sclérosants et de leurs peurs congénitales. Mis a nu, face a lui-même, c'est-à-dire à cette Flamme primordiale dont il ignorait tout, chacun, souvent pour la première fois, en venait à toucher l'Amour ou tout au moins à reconnaître ses traces en lui, jusque dans le regard de l'autre. Alors, chaque femme, chaque homme apprenait qu'il pouvait s'unir lui-même au Rayonnant parce que sa Demeure véritable n'était pas ailleurs que dans son coeur.
C'est de cette façon qu'en ce temps-là, avec émerveillement et reconnaissance, nous assistâmes à bien des éclosions.

Ce ne fut pourtant pas une communauté qui se mit alors en place. Nous n'en voulions pas malgré les insistances de quelques-uns. Ce fut plutôt une fraternité informelle d'âmes qui allaient et venaient, tentant de révéler sans cesse davantage leur force. Tyrsa et moi connûmes le bonheur, celui auquel nous avions toujours aspiré en ne sachant pas même s'il aurait jamais la capacité de s'incarner à travers nous. L'un et l'autre, nous n'attendions plus rien d'autre de la Vie que de dévoiler un peu plus à chacun le germe de ce possible bonheur que tout être reçoit en héritage et auquel il ne parvient généralement pas à croire...

« Ce n'est même pas un problème de croyance, m'entends-je encore répéter à une petite assemblée venue spécialement d'Ur-Gheret afin de nous rencontrer. La croyance ne génère pas une véritable foi mais un système de propositions de théories et d'arguments convenant, à un moment donne, à notre capacité de réflexion et qui sert les intérêts ou rassure, dans l'immédiat, notre petite personnalité. On peut changer de croyances à de multiples reprises dans une vie, presque aussi facilement que l'on change de vêtement et d'apparence. Les croyances, voyez-vous, sont un peu comparables à des croûtes, à des carapaces, à des écorces. Quant à nous, nous parlons de ce noyau qui réside en notre centre. Nous disons « N'y croyez pas, mais dénudez-le afin de le toucher et de le contempler. » Il a tout en lui... et tout c’est Tout! Ce noyau, c'est Aton qui respire à travers chacun... Peut-être, en cet instant, pensez-vous que je m'exprime par images, mais alors c'est que vous n'avez pas encore reçu mes paroles... »

De tels discours suscitèrent, bien sur, quelques détracteurs scandalisés ou cyniques. Cependant, il n'y avait plus réellement de place en Tyrsa et moi pour recevoir de telles blessures, alors nous continuâmes d'avancer dans l'élan de notre vie et c'était cela qui nous nourrissait.

Un jour pourtant, peut-être parce que ma conscience profonde guettait encore secrètement l'espérance d'autres horizons, un souvenir me revint. Celui d'un grand temple dont m'avait jadis parlé Pharaon, mon Maître. Il me l'avait décrit comme existant quelque part sur une côte vallonnée, face à la mer au sud et à plusieurs jours de voyage d'Ur-Gheret. Lui-même ne s'y était jamais rendu, mais c'était son propre père, Aménophis, qui l'avait fait ériger dans l'espoir que le Principe d'Aton pourrait y être révélé et partagé. Il y avait créé un Collège de prêtres- instructeurs afin que les lois premières et sacrées de la Vie y soient étudiées et enseignées a quiconque s'en montrerait digne. Peut-être ce temple existait-il encore ? ... Ma mémoire était imprécise... Je pris donc le parti d'interroger les caravanes de marchands afin de rassembler de possibles informations à son sujet. Tyrsa ne fut pas longue à comprendre que le rêve de m'y rendre prenait petit à petit forme en moi. Une réponse précise me fut fournie par un vieil homme aux sandales usées qui marchait nonchalamment à côté de son chameau. Oui, non seulement il avait entendu parler du temple d'Aménophis, mais il y avait pénétré environ trente années auparavant. Celui-ci existait toujours car il lui arrivait encore d'emprunter le chemin qui s'étirait en contrebas de la lourde colline sur laquelle ses bâtisseurs l'avaient perché. Il m'apprit qu'on y formait des prêtres, pour la plupart versés dans les thérapies et les astres mais il n'en savait guère plus. La nouvelle me suffit amplement. Aux beaux jours, Tyrsa et moi nous ferions le voyage. Nous irions frapper a sa porte et, qui sait, peut-être y retrouverais-je, y enseignant ou s'y étant réfugié un ancien compagnon...

Dès lors, notre projet prit corps dans un enthousiasme partagé et il en fut ainsi. Dès que les premiers amandiers eurent déployé leur robe blanche, Tyrsa et moi tirâmes derrière nous la porte de notre belle demeure de pierre. Le fils d'un pêcheur en garderait l'accès et entretiendrait les quelques cultures qui l'entouraient. Je me procurai un second chameau et nous formâmes ainsi une petite caravane.

Dans de longs borborygmes, nos deux animaux nous soulevèrent du sol aux premiers rayons d'une aube encore frileuse. Nous étions émus et cette émotion me gagne a nouveau lorsque, parfois, résonne encore au fond de moi le pas tranquille et pesant des sabots de nos montures sur la rocaille du chemin... Alors, l'odeur puissante des chameaux vient me rejoindre et tout ce qui est gravé dans mes cellules resurgit, du toucher rugueux et terreux de la laine de leurs encolures, jusqu'au goût de l'eau au fond de nos gourdes de peau. C'était une douce aventure... Nous avancions sur le bord de mer aussi naturellement et harmonieusement qu'un filet d'eau se faufile entre des galets. Nous expérimentions, nous savourions ce que devrait être toute vie: une onde qui se laisse porter par les vents du Soleil, une onde qui comprend que, quoi qu'il lui advienne, à chaque distance franchie, elle respire et respire encore davantage.

Un soir enfin, après un voyage dont nous aurions aimé qu'il se poursuive longtemps, nous découvrîmes au sommet d'une forte colline partiellement boisée la silhouette massive du temple d'Aménophis. Ses murailles me parurent terriblement hautes. Je les voyais presque comme s'il s'agissait de fortifications. En d'autre temps, sans doute aurais-je trouvé cela normal mais, ce soir-la, je me souviens m'être dit « De quoi donc se protège-t-on ici ? Pourquoi toujours abriter l'image du Divin derrière un symbole de pouvoir ? De ces foules d'hommes et de femmes qui ont aperçu de telles murailles jusqu'à aujourd'hui, combien en est-il qui ont osé ou même seulement imaginé frapper à leur porte ? Ne peut-on changer de langage ?

Comment ouvrir l'appétit d'apprendre et de connaître lorsque l'on suggère la fermeture. Ouvrir ! Il faut ouvrir ! Quand donc comprendra-t-on que c'est notre seule issue ? Tout pouvoir génère inévitablement la crainte et s'assoit sur elle... Quant à la puissance, jamais elle n'a pas besoin de remparts pour inspirer le respect! »

(Suite ci-dessous)
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jm
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MessageSujet: Re: La demeure du rayonnant-Chapitre 23   La demeure du rayonnant-Chapitre 23 Icon_minitimeJeu 15 Nov - 20:34

Je vis alors que j'avais beaucoup changé. En vérité, d'un coup, je mesurai à quel point, insensiblement, au fil des années, j'avais rejoint le coeur exact de la pensée de Pharaon... Cette pensée que personne ou presque n'avait pleinement reçue lorsqu'il s'était écrié « Je ne veux plus de prêtres ! » Cette pensée avec laquelle j'étais intellectuellement en accord mais dont je n'avais pas discerné l'ultime portée. Oui, les principes de la muraille, des voiles et des privilèges étaient bien chevillés à la conscience humaine... La fulgurance de la vision de Pharaon avait des millénaires d'avance sur le peuple des hommes et il fallait encore se résoudre à n'être qu'une fourmi gorgée d'amour et d'espoir pour continuer a avancer, sans faillir, dans la direction où il avait lancé sa lumineuse flèche.

Aux premières heures de la matinée du lendemain, les vêtements encore habités par la rosée, Tyrsa et moi nous frappâmes donc aux lourdes portes du temple. A vrai dire, nous profitâmes du fait qu'une charrette bourrée de sacs de farine nous précédait pour franchir son seuil. On nous montra un accueil courtois et les prêtres qui nous reçurent d'abord dans un grand vestibule aux colonnes de bois se montrèrent même affables des que je fis état de mes titres et que je leur eus montré mon sceau. On nous hébergerait, c'était certain; on apprécierait aussi les informations et les échanges que notre présence ne pouvait que provoquer. Pourtant... Pourtant je crus faire un bond de plusieurs décennies dans le passé. La pensée d'Aménophis nourrissait ce lieu... mais comme figée dans le temps, dénuée de toute l'audace dont l'avait parée Akhenaton. Certes, on y parlait d'Aton... mais on en parlait comme d'une autre statue juste plus grande et plus forte que les autres. Aton y était de pierre et d'or... pas de Lumière. Son souffle, ou ce que l'on disait de Lui, était consigné sur des tablettes sous la forme de lois et de codes de vie bien précis. Tout cela était beau, propre et irréprochable... Hélas, une fois de plus, on y avait greffé des obligations, des interdits et des tabous, toutes ces scories que l'âme humaine, même la mieux intentionnée, ne parvient que rarement à ne plus produire. Aton c'était Amon juste un peu plus parfait ou alors plus éthéré, tellement éthéré que la vie de ce monde en devenait comme grossière, sans intérêt et presque méprisable. Aton s'était métamorphosé en un dieu de mystiques dualistes qui enseignaient les cieux en tournant le dos aux trésors des jours terrestres. Sous ce masque de plus, Sa force faisait pousser des arbres sans racines et capables de projeter si haut leur feuillage que la sève ne pouvait que venir a leur manquer... Et, bien sûr, la sève c'est l'Amour, un Amour qui ne bride personne, ne jette l'anathème sur rien et englobe tout parce que continuant de croître. Les pieds dans la glaise et les ailes déployées.

Un peu las, je finis par écouter nos hôtes plus que je ne leur communiquais ce que j'avais recueilli de la bouche même de Pharaon. « A quoi bon ? confiai-je à Tyrsa. Il n'y a pas de bataille à livrer. Ces hommes sont dans le temps de cette Terre. C'est peut-être nous qui n'y sommes plus. Ce qui a mûri au fond de nos âmes fait définitivement partie de ce qui ne s'inculque pas. Il y a des mots qui, dès qu'on les prononce, et des concepts qui, dès qu'on les effleure, ne trouvent ni oreilles, ni coeurs pour les recevoir. Tout au plus feront-ils peur si leur battement d'ailes est perçu. Pourquoi finalement vouloir faire pousser une rose la ou la terre accueille plus volontiers l'aubépine ? » Et, tandis que je prononçais ces paroles, je sursautai en reconnaissant en elles comme l'ombre d'Horemheb qui s'agitait en moi... Etais-je un cheval qui s'évertuait a apprendre aux ânes a ne plus braire ? Et qui me disait que je n'étais pas la bourrique de quelqu'un d'autre voyant plus loin, plus grand, plus vaste encore! Quel étrange équilibre fallait-il enfin rechercher entre l'avance et l'attente, l'acceptation et l'enthousiasme, le jugement et l'opinion, la résignation et l'engagement !

Tyrsa, qui avait lu la déception et la lassitude dans mes yeux s'exprima peu, elle aussi... Elle devina rapidement que sa présence était plus tolérée en ces lieux qu'approuvée... Et elle n'avait pas tort car ceux qui connaissent le don savent fort bien quand la main qu'on leur tend n'est pas habitée. Moins naïve que moi, elle avait déjà compris que, pour ces prêtres, Aton était encore une sorte d'homme, ou de juge, lequel avait génèré entre ces murs un monde exclusivement masculin, un monde de mâles qui avaient raison, terriblement raison, simplement parce qu'ils avaient su élargir un tout petit peu le champ de vision de leurs pères. Pour certains, changer la graphie d'un nom, c'est déjà tout risquer ! Nul ne peut donc leur demander de revoir leur alphabet tout entier... En franchissant les portes du temple d'Aménophis nous avions espéré vivre là quelques jours riches en échanges joyeux, mais on ne nous proposa même pas d'y demeurer plus d'une nuit... Et quelle nuit ! Une nuit de solitude car il était exclu, pour ceux qui nous hébergeaient, qu'une femme puisse partager la couche d'un homme entre leurs murs. Nous dûmes nous résigner, n'ayant pas d'autre choix. On logea donc Tyrsa dans une aile reculée du temple; quant a moi, j'eus droit à un peu plus d'égard, ce dont je me serais passé. Ainsi ma nuit fut-elle blanche, hantée par les paroles momifiées de nos hôtes. Je voyais bien que ces hommes n'étaient pas mauvais et que tous, même, cultivaient une réelle bonté. Ils étaient des sages aux yeux du simple peuple... mais la sagesse cesse d'en être une des que l'on croit l'avoir trouvée.

Après avoir avalé a la hâte une galette de pois chiches, nous partîmes enfin aux premières heures du matin non sans nous être pliés au rituel, d'ailleurs fort beau, de la bénédiction du jour. Je crois que nous traînâmes un peu en chemin, méditant sur ce qu'il nous fallait comprendre de tout cela.

"Peut-être n'y a-t-il rien a vouloir cerner définitivement... me fit un jour remarquer Tyrsa en se laissant ballotter plus que de coutume en haut de son chameau. Une vie est une vie... On y ramasse des pierres rondes et lisses mais aussi des cailloux rugueux. Pour moi, maintenant, les uns comme les autres sont tous des morceaux d'Aton qui ne le savent pas encore... Mon esprit n'englobe pas même le vol d'une mouche en ce monde, alors... ! Mais vois-tu, Nagar, il ne sera pas dit que l'amertume passera par moi. Non, le temps n'engloutira pas ma force!"

Nous retrouvâmes alors notre demeure comme un paradis que nous n'aurions jamais du quitter... Puis notre vie reprit entre la beauté verte du potager, la chaleur de nos murs, les soins que nous y prodiguions et ceux qui venaient vers nous pour écouter derrière les mots, pour voir derrière le Soleil. Trois ou quatre années s'écoulèrent encore, creusant plus profondément dans nos fronts des sillons qu'il nous fallut apprendre à aimer. Sur mon âme désormais apaisée, je peux dire qu'un bonheur vrai tombait a plein ciel. Il n'était pas compliqué, peut-être exactement comme une fleur des champs, seule et pure et immense dans son vase de terre... Il n'était pas compliqué et, même s'il ne me permettait pas de crier du haut d'une tour « Gloire a Aton » à des milliers d'oreilles, je n'en voulais pas d'autre. Oh non...

Un jour, enfin, une main solaire, toute ouverte, se présenta au-dedans de moi. J'eus a peine le temps de voir que c'était l'heure. C'était le plein midi et je me dirigeais vers le petit mur de pierres sèches situé à quelques pas de notre demeure. Il y eut une douleur terrible qui vint me transpercer la poitrine. Une douleur à hurler et une secousse si forte qu'elle tira un voile devant Mes yeux. Alors, je basculai sur le sol, face contre terre puis tentai, en vain, de me redresser... Je reverrai toujours dans la poussière les pieds nus de Tyrsa qui courait vers moi, je reverrai éternellement ses yeux plongés dans les miens et, indéfiniment, je sentirai son épaule recueillant ma tête. Enfin, je me souviens avoir deviné ses lèvres qui m'appelaient... mais le silence était déjà en moi. Alors, je crois que j'ai souri, simplement... ou que j'ai essayé, car tout alla très vite. C'était le plein midi et ce fut ainsi que l'âme qui m'habite aujourd'hui quitta à jamais le corps de Nagar-Têth...
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philippe
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MessageSujet: Re: La demeure du rayonnant-Chapitre 23   La demeure du rayonnant-Chapitre 23 Icon_minitimeJeu 15 Nov - 20:43

Super ! Merci Joël Tu as fait vite.
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Lucia
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MessageSujet: Re: La demeure du rayonnant-Chapitre 23   La demeure du rayonnant-Chapitre 23 Icon_minitimeVen 16 Nov - 9:59

Merci JM pour ce texte, je m'empresse de l'imprimer en complément du livre.

Amicalement
Lucia :merci:
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Big AL
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MessageSujet: Re: La demeure du rayonnant-Chapitre 23   La demeure du rayonnant-Chapitre 23 Icon_minitimeJeu 15 Jan - 15:29

Merci beaucoup!

Quelle rapidité cheers

:merci:
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sandrine
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MessageSujet: Re: La demeure du rayonnant-Chapitre 23   La demeure du rayonnant-Chapitre 23 Icon_minitimeJeu 15 Jan - 21:59

wow ! ça rafraichit l'âme de vérité juste ce qu'il faut pour nous ramener à la vie sans s'étioler !

Merci à tous les quatres, Daniel pour ce chapitre, Big al et jm et Régis pour le Forum.
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Sarah
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MessageSujet: Re: La demeure du rayonnant-Chapitre 23   La demeure du rayonnant-Chapitre 23 Icon_minitimeLun 19 Jan - 17:52

Quelle écriture somptueuse... sans parler du sens... sunny

Merci pour ce chapitre inédit que je ne connaissais pas...! :lecture: :CoeurFleur:
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Losar
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MessageSujet: Re: La demeure du rayonnant-Chapitre 23   La demeure du rayonnant-Chapitre 23 Icon_minitimeSam 31 Jan - 21:34

oui merci pour ce dernier chapitre

je suis fasciné par la patience et le courage de ces porteurs de lumiere et je n'ai pu m'empecher de faire le rapprochement avec certains passages de "Mémoire d'esseniens tome 2"
en effet, dans ce dernier chapitre lorsque nagar thet retourne au temple d'amenophis en esperant trouver ou retrouver des coeurs qui battent comme le sien, cela m'a fait penser a simon et myriam en terre de Kal lorsqu'ils decident de rencontrer la communauté hebraique pour leur parler de Kristos.
on voit le meme phenomene de rejet et de deception dans le message porté...comme si apres une trop forte lumiere chacun retournait dans son petit coin d'ombre....fascinant !!!
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Louise
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Louise


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MessageSujet: Re: La demeure du rayonnant-Chapitre 23   La demeure du rayonnant-Chapitre 23 Icon_minitimeLun 9 Fév - 21:47

Wow ! Je suis fascinée de voir les réactions ? Pour ma part, j’essayais seulement d’apporter une ouverture quant à la façon de concevoir l’Amour à travers les relations de couples… Il me semble, selon moi, que toutes ces histoires d’Amour de Daniel vécues présentement à cette époque, sont simplement le reflet d’un Amour vécu à une autre époque que Daniel nous ramène si bien au niveau des annales akashiques…

Pour ma part, il me semble évident qu’il n’y a aucune comparaison à faire entre ces trois femmes qui sont toutes extraordinaires les unes que les autres… mais bien de comprendre qu’à travers toutes ces histoires d’Amour que Daniel nous a livré à travers ses livres, il faut surtout en retenir l’Essence…

Relisez la « Demeure du Rayonnant » et son chapitre 23 et vous conviendrez avec moi que c’est un véritable Hymne à l’Amour…

En conclusion « Est-ce que l’Amour se perd à travers le temps linéaire ? » Personnellement, je n’y crois pas… parce que je crois que nous vivons simultanément toutes les époques et que tout ce que nous vivons aujourd’hui, nous amène tout simplement à une plus grande compréhension… de toutes les guérisons que nous avons encore à faire au niveau de nos propres expériences pour en arriver à une plus grande ouverture du Cœur…

C’était ma réflexion suite à un certain sujet qui semble avoir disparu entre-temps... scratch Alors, comme mon message était en lien avec ce sujet, je le poste ici… :ange1:

Louise :CoeurFleur:
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PI
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MessageSujet: Re: La demeure du rayonnant-Chapitre 23   La demeure du rayonnant-Chapitre 23 Icon_minitimeVen 3 Déc - 18:13

Je viens de lire ce chapitre inédit de "la demeure du rayonnant " et je mets ce message pour que ceux que ça intéresserait puissent le lire à leur tour


Dernière édition par PI le Sam 4 Déc - 9:52, édité 1 fois
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athena
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MessageSujet: Re: La demeure du rayonnant-Chapitre 23   La demeure du rayonnant-Chapitre 23 Icon_minitimeSam 4 Déc - 7:20

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