Si vous ne l'avez pas encore lu, je vous conseille vivement la lecture de "Ce clou que j'ai enfoncé" par Daniel Meurois. Le chapitre XI est consacré à Judas qui explique bien des choses à Nathanaël (celui qui a planté le premier clou à Jésus). Ce livre est d'ailleurs une oeuvre thérapeutique destiné à nous débarrasser du fléau de la culpabilité.
Par ailleurs, j'aimerais re-citer Daniel qui nous parle de Judas dans un séminaire de 2004 :
"Il y a un personnage dont je voudrais parler : Judas Iscariote... Iscariote vient du mot Iscari, et les Iscarii étaient tout simplement les Zélotes. Donc, Judas était un Zélote qui était à la fois un lettré et un homme d'action. C'était quelqu'un qui, pendant longtemps, avait provoqué lui même des émeutes et participé à des actions d'éclat dans ces rebellions que les Zélotes organisaient généralement. J'ai d'ailleurs toujours pensé que l'Iscariote avait dû se servir de l'épée assez sérieusement lui aussi, avant l'arrivée de Jésus.
Vous savez, à l'époque, entre disciples, nous nous sommes souvent réunis quand tous les événements que vous savez se sont déroulés et nous nous sommes interrogés beaucoup sur la façon, le pourquoi, le comment de certaines choses. Or, au niveau de Judas, nous nous étions posés la question suivante : pourquoi le Maître Jésus l'avait-t-il accepté comme disciple ?
En fait, il y avait plusieurs raisons : d'une part, il était évident qu'avec son passé de Zélote, il pouvait constituer un pont facile pour discuter avec les résistants combattants qu'étaient les Zélotes, car on ne pouvait pas nier leur présence dans la société. Le Maître Jésus s'adressait d'ailleurs à eux le plus souvent qu'il le pouvait pour essayer de tempérer et de les enseigner. C'est pourquoi Judas constituait, en quelque sorte, une porte d'accès.
Ensuite, Judas était un homme qui savait parler en public, pour organiser telle ou telle chose, par exemple. Il savait faire circuler les informations correctement. C'était un homme instruit qui savait communiquer avec les gens, et c'était important qu'il y en ait un dans le groupe puisque Jean, lui, était beaucoup trop timide pour cela.
D'autre part, il fallait bien quelqu'un pour faire ce qu'on pourrait appeler le "sale travail" ! Mais je reviendrais là-dessus plus tard. Pour l'instant, je plante le décor !
Enfin, au-delà de ces trois raisons que je viens d'énumérer, il faut bien dire que Judas était quelqu'un de très sympathique. Pour employer une expression québécoise, je dirais que c'était un "bon gars" ! En effet, c'était quelqu'un qui était très attachant et très enthousiaste, il n'avait pas peur de s'engager ni de dire parfois les choses crûment. Ce qui fait qu'il avait le contact facile et, la plupart du temps, il provoquait beaucoup de sympathie auprès des gens qu'il cottoyait.
Généralement, on ne l'appelait pas Judas... On disait l'Iscari... parfois d'une façon un peu méprisante de la part de certains de ses collègues qui se montraient un peu jaloux, il faut bien le dire aussi.
En effet, il y avait certaines antipathies entre les disciples, je le fais un peu sentir dans le livre "Visions esséniennes" ; il ne faut donc pas croire que c'était un groupe homogène. Dans n'importe quel groupement humain, on est sans doute tous animés de la meilleure bonne volonté du monde, mais ce n'est par pour cela qu'on va être parfait pour autant, c'est par pour cela qu'on va aimer notre voisin de droite ou notre voisine de gauche. On dira peut-être "Oui, mais je le respecte"... peut-être, mais après, dans l'action, il y a toujours des tiraillements et, on le sait, nous sommes tous humain et c'est comme ça.
A l'époque, on avait beau s'appeler Jean, Pierre, Barthélémy, Thomas, Joseph, etc, on avait nos petites amitiés et nos petites inimitiés, et, très souvent, ces petites dissensions se faisaient sentir lors des repas ou lors des marches dans la campagne, etc... Sur les places publiques, il y avait certains disciples qui en arrivaient même à se contredire face au public, lors de débats. Vous voyez donc l'ambiance que ça pouvait parfois susciter.
En effet, ceux-ci ont commencé à parler également dans certains villages en dehors même de la présence de Jésus (pendant la vie publique de celui-ci) car, quelques fois, il les chargeait d'un petit travail d'information à tel ou tel endroit. Alors, ceux-ci allaient par petits groupes pour préparer le terrain en quelque sorte, quand on pouvait prévoir à l'avance les réunions, ce qui n'était pas souvent le cas, mais quand cela était possible, souvent, Jésus en envoyait 4, 5 ou10 parfois, qui n'étaient pas forcément de ses disciples les plus proches, et ceux-ci ont donc commencé à parler et à présenter la venue du Maître et ce qu'il allait dire. Or, nous avons parfois assisté à des petites querelles entre disciples, du style : "Mais non, tu te trompes, le Maître n'a pas dit qu'il parlerait de ça !", "Mais si, je t'assure qu'il va en parler !"... et pendant ce temps, les gens autour se demandaient ce qui se passait !
Encore une fois, je ne raconte pas cela pour dénigrer mais pour dire que nous avons vraiment eu à faire à un noyau d'êtres humains avec tout ce que cela comporte, et qui se sont forgés, de la même façon que le Maître Jésus s'est forgé lui-même. Jl faut bien comprendre qu'il n'est pas devenu Christ d'un jour à l'autre, il s'est fabriqué et c'est progressivement qu'il a découvert sa mission, sa fonction. Il n'a pas été parachuté Christ comme ça, un 24 décembre. D'ailleurs, ça ne s'est jamais passé un 24 décembre mais au printemps vers le mois de mars, si mes souvenirs sont bons." .../...
"Il faut toujours, dans les histoires, que quelqu'un joue le rôle du traître. C'est un archétype, de la même façon que Thomas est l'archétype de l'incrédule ou du rationaliste, de la même façon que Marie-Madeleine est l'archétype de la pécheresse repentie, etc..etc... Tout cela a été mise à une "sauce" très intelligente, n'est-ce pas, c'est comme une grande pièce de théâtre qui a été arrangée par les premiers pères de l'Eglise.
On a donc fait de Judas l'archétype parfait du traître. En réalité, il a certes trahi d'une certaine façon, mais pas avec la volonté de trahir. J'ai tenté d'expliquer ce qu'il en était dans "De mémoire d'Essénien" (Voir également "Ce clou que j'ai enfoncé" paru entre temps), je ne vais donc pas pas rentrer dans les détails de la scène en question, mais c'était quelqu'un qui a été piégée dans son intention de vouloir rapprocher les parties adversaires et qui s'est fait manipuler par le Sanhédrin en livrant, sans le vouloir, son Maître les poings liés.
Mais je dois dire qu'il fallait quelqu'un pour jouer ce rôle-là, il fallait quelqu'un pour casser la mécanique. En effet, le système de Jésus et des apôtres était un système qui, en soi, aurait été parfait mais qui aurait continué à tourner en rond dans la conscience collective. Cela aurait pu se terminer avec l'enseignement d'un prophète parmi d'autres, mais lorsqu'un grand être veut vraiment laisser une empreinte dans l'inconscient et dans le conscient de l'humanité, il faut nécessairement qu'il y ait un événement dans sa vie ou la fin de sa vie qui vienne imprimer l'égrégore de la conscience collective ou celle de l'humanité.
La plupart des grands êtres finissent d'une façon tragique ou spectaculaire pour cette raison là.
Voyons : il y avait le moteur des douze apôtres + le Christ = 13.
12, en soi, est un chiffre parfait, il correspond à la mécanique céleste de notre système solaire. Mais un système parfait, c'est-à-dire 12, est comme un disque qui tourne toujours sur lui-même, et s'il n'y a pas un grain de sable (le 13ème élément) pour passer à un disque supérieur, ça ne fonctionnera pas. Donc, dans tout système parfait qui correspond à un équilibre, il faut un élément qui, à un moment donné, vient se rajouter comme un grain de sable dans l'engrenage.
Eh bien, Judas était ce "grain de sable dans l'engrenage", il était là pour casser le fonctionnement de tout cela afin qu'on puisse aller vers une prise de conscience supérieure. Il a donc eu le rôle ingrat de faire le "sale boulot" !
Je voudrais faire référence ici au film "La dernière tentation du Christ" , qui a fait beaucoup de scandale, il y a une dizaine d'années, dans le monde catholique qui l'avait perçu comme une illustration de la vie du Christ alors que ce film propose plutôt une illustration du chemin de tout être humain, à partir de sa prise de conscience de sa divinité jusqu'à son ascension au sommet de sa divinité. Dans ce film, le personnage de Jésus représente en fait le chemin de chacun de nous dans sa propre révélation intérieure.
Si je parle de ce film-là - qui est un des plus beaux que je n'ai jamais vu - c'est parce qu'il y a une scène avec Jésus et Judas absolument extraordinaire et sûrement beaucoup plus proche de la réalité qu'on ne le pense. On assiste à un tête à tête très particulier où Jésus demande à Judas de le trahir parce qu'il sait que ça doit finir comme ça afin de pouvoir passer à autre chose. Et Judas, estomaqué, répond à Jésus : "Comment ? Mais, Maître, tu me demande à moi de te trahir ? C'est quelque chose d'impensable ! Est-ce que toi, tu trahirais ton Maître ?" et Jésus de lui répondre : "Non, moi, je n'y arriverais pas et c'est bien pour cela que c'est à toi qu'on le demande !" (éclats de rire spontanés de l'assemblée)
Evidemment, quand on entend cela dans la scène du film, on peut se dire que c'est sûrement un gag... mais c'est en réalité très riche d'enseignement car cela veut dire que celui qui, karmiquement, de par la force de ce qu'il a fait dans le passé, est chargé de cette tâche, de ce poids-là, est forcément un être dont l'âme est déjà très forte et bien engagée sur un certain chemin.
Ceci veut dire que Judas n'était pas le petit traître minable qu'on en a fait mais un initié qui, pour diverses raisons liées à son ancienneté dans l'histoire de l'évolution de l'humanité, a pris sur lui ce fardeau terrible, cette espèce de malédiction, parce qu'il y a effectivement tout ce qu'on fait peser sur sa conscience depuis 2000 ans, pensons-y bien aussi parce que, dans ses vies successives depuis deux mille ans, il lui aura fallu (inconsciemment, du moins faut l'espérer pour lui) voyager avec ce fardeau, cette étiquette du traître qu'on a collé sur lui.
En ce qui me concerne, j'estime que Judas est en réalité un des plus évolués et des plus éveillés des apôtres de cette époque-là. Il en fallait un pour faire le sale job et c'est le seul qui en a eu le courage." (extraits du séminaire "Enseignements premiers du Christ" par Daniel Meurois - Québec 2004)
Pour terminer, j'aimerais citer ces paroles que Jean offrit à son frère Judas afin qu'elles s'impriment dans nos coeurs à tous et à toutes :
"Pardonne-toi... Coupe les racines du malheur ! Décide-le aujourd'hui ! Ce n'est d'ailleurs pas une faute que tu as à te pardonner, mais une incompréhension, un oubli... Pardonne donc à l'Ignorance ; tu es le seul à pouvoir le faire. C'est le chemin du Pardon global que tu initieras ainsi pour la multitude des générations à venir. C'est cela ton Oeuvre ! Coupe ! Coupe !" (Extrait de "Ce clou que j'ai enfoncé" - Ed. Le Persea)