le successeur politique du dalaï-lama
Le nouveau "Kalon Tripa" a suivi des études de droit à Harvard. © REUTERS
P Lobsang Sangay, nouveau Premier ministre tibétain à 43 ans, a prêté serment lundi.
9h09 et 9 secondes. C’est à cet instant précis que Lobsang Sangay a prêté serment lundi comme nouveau Premier ministre du gouvernement tibétain en exil. Le chiffre 9 est supposé lui assurer longévité. Le chiffre 8, relatif à la date, est quant à lui censé lui porter chance.
Et il en aura besoin, tant la responsabilité qui lui est conférée est lourde. Pour la première fois, un Premier ministre tibétain assurera un véritable pouvoir politique. Jusqu’ici, sa place était surtout symbolique puisqu’il dépendait des décisions du Dalaï Lama. Mais à l’âge de 76 ans, celui-ci a décidé de mettre fin à son rôle politique en mars, pour se cantonner au titre de chef spirituel de la communauté tibétaine.
Le nouveau "Kalon Tripa" a donc été élu le 17 avril 2011 par la diaspora tibétaine. Il a remporté 55% des voix et battu dès le premier tour ses deux concurrents.
Profil atypique
C’est un profil atypique qu’ont choisi les Tibétains pour défendre leur cause. Lobsang Sangay, juriste de 43 ans, n’a jamais vécu au Tibet et ne s’y est jamais rendu. Sa famille l’a fui en 1959, la même année que le Dalaï Lama. Il est né près d’une décennie plus tard, dans un camp de réfugiés du nord de l’Inde.
Il s’est ensuite rendu à New Delhi pour entamer des études de droits, qu’il a poursuivies à Harvard grâce à l’obtention d’une bourse. Il y a rédigé une thèse sur les droits de l’Homme au Tibet et est désormais spécialisé en droit international. Ce profil hors-normes a pour mérite d’être au plus près des préoccupations de la nouvelle génération de Tibétains en exil, qui n’a jamais connu la Chine ni le Tibet.
Pour la "voie moyenne"
En prêtant serment dans le temple Tsuglagkhang de Dharamsala, siège du gouvernement en exil, Lobsang Sangay s’est engagé à soutenir le mouvement "jusqu’à ce que la liberté soit restaurée au Tibet", avant d’affirmer que la lutte n’était pas "contre le peuple chinois ou la Chine en tant que pays". Tout en précisant : "notre lutte est contre la politique radicale du régime chinois au Tibet, contre ceux qui refuseraient la liberté, la justice, la dignité et l’identité même du peuple tibétain".
Partisan de la "voie moyenne", comme le Dalaï Lama, Lobsang Sangay défend une "autonomie significative" du Tibet sous administration chinoise, et non une indépendance pure et simple.
Un enjeu crucial
En léguant le pouvoir politique, le Dalaï Lama a mis fin à plus de 400 ans de gouvernance par des religieux. Ce choix audacieux permet de mettre un terme aux critiques de Pékin, qui dénonce un système politique archaïque, fondé sur l’asservissement des Tibétains par le clergé.
Le Dalaï Lama a ainsi voulu moderniser le système tibétain, mais aussi anticiper sur sa propre disparition. Depuis son départ du Tibet en 1959, il est devenu le premier représentant de la cause tibétaine, une véritable icône internationale, prix Nobel de la paix en 1989, choyé par les médias et de nombreux hommes politiques occidentaux.
Son décès risquerait d’amoindrir l’écho de la cause tibétaine sur la scène internationale, ce qui pourrait laisser la voie libre à Pékin pour un renforcement de son pouvoir au Tibet. C’est pourquoi il fallait, avant cela, mettre en place un nouveau leader fort et légitime. Reste à savoir si Lobsang Sangay aura l’étoffe nécessaire pour cette succession à haute responsabilité.