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| Sujet: Citoyens ou électeurs ? Démocratie ou Suffrage universel ? Lun 23 Jan - 18:08 | |
| Citoyens ou électeurs ? Démocratie ou Suffrage universel ?
par Etienne Chouard (Professeur en économie et gestion) La vraie cause de notre problème, c'est que les élus sont élus grâce à l'argent des riches. Le mécanisme de l'élection n'est pas démocratique mais aristocratique, c'est-à-dire qui consiste à nommer les meilleurs (aristoï = les meilleurs). Le mécanisme de l'élection du gouvernement représentatif - qui a été mis en place pendant la révolution française et la révolution américaine, il y a 200 ans - nous conduit, nous le peuple, à élire des gens que nous n'avons pas choisi, qui ont été choisis par les partis politiques, et ceux qui sont élus sont ceux qui ont fait la meilleure campagne électorale. Or, la meilleure campagne électorale est celle qui coûte le plus cher. Certes, il y a des exceptions : de temps en temps, il y a un Chavez qui est élu, un gars qui représente vraiment le peuple, mais c'est rarissime et pour un gars comme ça, il y en a mille qui sont élus parmi les candidats des riches.
Ce que je veux dire ici, c'est que nous autres, nous défendons des gens humanistes qui ont une justice sociale, de gauche comme de droite. Mais nous défendons en même temps, comme une vache sacrée, l'outil de notre oppression politique en défendant le suffrage universel qui est un faux suffrage universel. Qu'est-ce qu'on appelle "suffrage universel" aujourd'hui ? C’est la désignation des maîtres politiques qui vont tout décider à notre place pendant 5 ans - et je n'exagère pas : qui va faire la politique après les élections ? Est-ce que c'est vous ou est-ce les gens que vous aurez nommés ? C'est bien les gens que vous aurez nommés qui seront vos maîtres, et quand vous les foutrez dehors au bout de 5 ans parce que vous n'êtes pas contents, qui allez-vous élire à la place ? Ceux que vous aviez jeté 5 ans avant ? Comprenez bien qu’ils se mettent à mitan, les gars ; quand ils se destinent à la politique, ils finissent leurs études, ils font Science-Po, puis l'Ena, puis ils entrent en politique. Qu'ils se mettent à gauche ou à droite, ils s'en fichent, de toute façon ils vont avoir le pouvoir une fois sur deux.
Ce que je veux dire, donc, c'est que nous désignons des gens que nous n'avons pas choisi, et ce qu'on appelle fallacieusement "suffrage universel" aujourd'hui, consiste à désigner, parmi les gens que nous n'avons pas choisi, des maîtres politiques qui vont tout décider à notre place, contre lesquels nous ne pourront rien faire pendant leur mandat, on ne pourra pas les révoquer, on ne pourra même pas les contredire. On n'a pas le droit d'abroger une loi, d'imposer une loi que les parlementaires ne veulent pas. En France, nous vivons dans une monarchie, mais pire encore car c'est une monarchie qui n'est plus autocratique mais au service d'ultra riches qui cumulent tous les pouvoirs. C'est donc pire que la monarchie qui n'était pourtant déjà pas gaie, mais le système oligarchique qui résulte du gouvernement représentatif en France est épouvantable, et on n'a pas encore vu ce que ça va donner ; ca vient de commencer à basculer... maintenant qu'ils ont pris tous les pouvoirs, ils sont en train de reprendre tous les acquis : la retraite, la sécu... ils sont en train de détruire tous ce que les humains avaient fabriqué comme remparts contre l'adversité.
Le bout de la logique du profit, vous le voyez notamment dans les pires des entreprises capitalistes : quand elles n'ont pas de contre-pouvoir, c'est l'esclavage, c'est le camp de travail !
"Un pouvoir, ça va jusqu'à ce qu'il y ait une limite" (Montesquieu)... Je fais tomber ce crayon et il s'arrête quand il y a une limite, et la mécanique du pouvoir est aussi inflexible que cela. Donc ce qui est super important - comme le disait Montesquieu - c'est de comprendre que, puisque le pouvoir a une limite, il faut que, par la nature des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. C'est ce qu'on appelle une Constitution. Une Constitution, c'est un texte qui doit être au-dessus des pouvoirs. A la base, nous sommes une multitude qui avons besoin de pouvoirs pour faire une société. Pour ne pas s'entretuer, on a besoin de pouvoirs qui écrivent les règles qui vont être au-dessus de nous et auxquelles nous consentons à obéir. Mais ces pouvoirs sont à la fois utiles, potentiellement précieux même, et en même temps, potentiellement hyper dangereux. C'est pourquoi on doit mettre un texte supérieur - le droit du droit - au-dessus des pouvoirs qui écrivent le droit, et cela s'appelle la Constitution. Mais ce texte-là doit dominer et contraindre les acteurs, il doit leur être absolument inaccessible.
Sottise dans laquelle nous sommes justement : il ne faut pas que ce soit les élus qui écrivent la Constitution. Réfléchissez un peu : le texte qu'ils devraient craindre et qui devrait servir à protéger le peuple contre les abus des élus, des gouvernements, des juges, des policiers, de l'armée, des banques, des médias (dont nous avons besoin mais qui sont dangereux)... ce texte supérieur donc qui, normalement, devraient faire peur à tous ces organes, qui l'écrit dans le monde ? Je ne vous demande pas qui vote, on s'en fout de qui vote, car nous avons été (du moins nos parents) capables à 80% en France de voter la Constitution de 58, (la 5ème République et la Constitution que nous avons encore aujourd'hui). Nous avons voté pour un texte qui instituait notre impuissance définitive. En France, on n'est pas des citoyens, on est des électeurs. C'est pas du tout pareil ! Un citoyen, c'est quelqu'un qui vote ses lois. Le fait que des humains soient capables, dans un coin reculé même (un village, un canton), de se réunir dans un gymnase et de voter eux-mêmes leurs lois, pour moi c'est ça la démocratie. C'est ça être citoyen : je conçois à obéir à des lois auxquelles je participe directement.
Sinon, je suis électeur, et quand je suis électeur, c'est que j'ai été ravalé au rang dégradant d'électeur par mes propres élus. Ce sont des élus qui ont écrit le gouvernement représentatif. Ce sont les élus qui ont écrit les règles selon lesquelles nous sommes réduits à élire nos maîtres. C'est-à-dire le contraire de la Démocratie.
Il faudrait donc prendre le temps d'expliquer ce qu'est une vraie démocratie et à Athènes, ils ont vécu une vraie démocratie au 4 ème et 5ème siècle. Ils avaient inventé un truc génial qui a existé pendant 200 ans ! C'est curieusement la même durée durant laquelle nous avons nous-mêmes testé le gouvernement représentatif. Je fais désormais la grève du mot "démocratie", du moins je n'appelle plus "démocratiques" les régimes dans lesquels on vit, et la cause de la ploutocratie dans laquelle on vit, c'est précisément le fait que nous désignons nos maîtres parmi ceux qui nous sont imposés par les plus riches (et après 200 ans d'évolution progressive de ce système, c’est Goldman Sachs qui va gouverner toute la planète), mais cela est programmé dans l'élection pour donner le pouvoir à celui qui fait la plus belle campagne électorale, à celui qui va mentir le mieux. C'est programmé, ça sert donc à rien de se battre dans cette cage-là, il faut sortir de la cage de l'élection. Tant qu'on reste dans la cage du faux suffrage universel, de la fausse démocratie, on perd la création monétaire et on perd le contrôle des hommes politiques. Ca ne sert à rien de dire "ah, Sarkozy ne fait rien pour nous"... Sarkozy (comme tous les élus) fait uniquement ce que veulent ceux qui ont payé sa campagne électorale. Il obéit à ses créanciers et non à ses électeurs. Il s'en tape des électeurs, il suffit que les riches apportent des milliards et les électeurs viennent ! Donc ils ne doivent rien aux électeurs, rien du tout... juste l'obligation de mentir ! Et ceux qui sont élus sont les plus beaux menteurs.
Mais cela ne doit pas être une fatalité non plus. On est juste dans un système qui est un balbutiement... on est sorti de l'ancien régime qui était une catastrophe, un épouvantable système féodal de la loi du plus fort avec un système de castes, etc... Donc je ne voudrais pas revenir à ce régime, évidemment, mais on en est sorti pour mettre en place un régime qui, peut-être, pensait-on que c'était mieux. Ils détestaient la démocratie et ils ont mis en place un régime en se disant "ça va être mieux". Admettons qui l'aient cru en 1789...
Mais nous, après 200 ans de pratique du gouvernement représentatif, on n'est pas obligé d'être complètement idiots et de dire "oh mais la condition première de notre liberté, c'est le suffrage universel"... Non non non ! Après 200 ans de pratique, on voit bien que le suffrage universel nous conduit à élire des maîtres qui sont au service des riches. Cela ne se voyait peut-être pas encore autant il y a quelques années en arrière mais aujourd'hui, on voit bien que nos maîtres obéissent aux banques, ça se voit ! C'était déjà le cas avant, mais aujourd'hui c'est criant de vérité. Nos représentants en général ne servent pas l'intérêt général, ils servent ceux qui les ont fait élire, c'est-à-dire les banques.
Mais, je le répète, ce n'est pas une fatalité, et ce que je voulais dire avec la société athénienne, c'est qu'on a là une solution, mais une vraie solution ! On n'en parle nulle part et vous allez comprendre pourquoi. Et pourtant, c'est un véritable antidote.
Il s'agit donc que les citoyens reprennent le contrôle des politiques pour pouvoir reprendre le contrôle de la monnaie, pour pouvoir en finir avec ce système de l'argent-dette qui endette tout le monde au dernier degré, y compris les Etats. Donc, pour arriver à reprendre le contrôle des hommes politiques, et des acteurs politiques de façon générale, il faudrait arriver à sortir de ces constitutions qui, partout dans le monde, organisent notre impuissance politique. Donc il faudrait bien comprendre comment se fait-il que, partout dans le monde où l'on accepte soit-disant la "démocratie", c'est-à-dire le gouvernement représentatif (que je refuse d'appeler démocratique), les constitutions organisent pratiquement toutes à leur façon (à part peut-être la Suisse) l'impuissance des citoyens ? Pourquoi l'impuissance des citoyens est-elle toujours programmée ?
A mon avis, la mauvaise écriture de Constitution qui nous protège mal vient du fait que ceux qui ont écrit les Constitutions sont élus parmi les membres politiques qui sont imposés et qui écrivent donc des règles pour eux-mêmes. Ils savent qu'ils vont être ensuite dans les institutions qu'ils sont en train d'écrire, et comme ils savent qu'ils vont écrire des règles dans lesquelles ils vont rentrer, ils sont dans la situation la plus banale de conflit d'intérêt le plus total, et c'est toute l'assemblée constituante qui, à chaque fois,est élue. Donc 100% de ceux qui écrivent la Constitution sont en conflit d'intérêt et ils ont tous un intérêt personnel.
Je ne dis pas ici qu'ils sont forcément malhonnêtes mais quand ils écrivent les textes de la Constitution, il y a toujours un conflit d'intérêt personnel, ils ne peuvent donc pas être justes. Ils ne vont jamais écrire un texte qui pourrait contrarier leur intérêt personnel. C'est normal que partout dans le monde, les parlementaires qui se bombardent députés constituants n'instituent pas le référendum d'initiative populaire.
Mais ce n'est pas une fatalité. C'est parce que nous, les citoyens, les avons laissé écrire la Constitution. Mais ce n'est pas au parlementaires d'écrire la Constitution. Ce n'est pas aux hommes au pouvoir d'écrire les règles du pouvoir.
Et là, je crois que je tiens la cause des causes de notre impuissance politique qu'on n'arrive pas à résoudre - on le voit bien, on analyse ici parfaitement notre problème et on n'y peut rien... mais pourquoi on n'y peut rien ? Parce que nos institutions ne nous donnent aucun droit en dehors de celui de choisir nos maîtres, et que ceux-ci ne sont pas choisis par nous mais par les plus riches.
Il faut aller jusqu'au bout ! Tant qu'on ne fait que l'analyse des conséquences - et le faire est très important - ça ne suffit pas. Si on se bat sur les conséquences : y en a un qui se bat sur les malversations financières, y en a un autre qui se bat sur les désastres écologiques, et un autre qui se bat contre la corruption des élus, et un autre encore qui se bat contre l'injustice et le droit féodal dans les entreprises... chacun se base sur des conséquences, nous sommes tous des militants à nous bagarrer pour des choses importantes mais qui ne sont que des conséquences, et nous sommes incapables de nous réunir sur la racine commune de notre impuissance qui ne tombe pas du tout du ciel, c'est pas une fatalité. Notre impuissance politique est programmée dans un texte dont tout le monde se fout. C'est incroyable ! Nous nous foutons de la Constitution alors que c'est là où est écrit que nous ne pouvons rien faire contre nos élus.
Tout se joue dans la Constitution et tout le monde s'en fout ! C'est bien notre faute. Mais je ne dis pas qu'il faut changer de Constitution, c'est plus que ça. Je ne dis pas qu'il faut une assemblée constituante, c'est plus que ça - car des assemblées constituantes, on en a partout et chaque fois, c'est l'impuissance des gens qui est programmée. La cause des causes, c'est pas changer la Constitution, ce qu'il faut changer, c'est : qui écrit la Constitution ?
Il faut faire attention à la qualité du processus constituant, c'est-à-dire qui écrit les règles ? Tant que nous laisserons écrire la Constitution par des parlementaires, des ministres, des juges ou des hommes de partis qui sont financés par les plus riches, qui doivent tout leur pouvoir aux plus riches, qui sont complètement débiteurs et asservis aux plus riches, et même s'ils sont gentils, ils ne peuvent pas faire autrement ; Obama qui a pourtant l'air d'être un chic type, ne peut pas faire autrement qu'obéir servilement (pléonasme) à une toute petite poignée de gens dont l'intérêt est radicalement contraire à l'intérêt général.
Face à cela, ma solution est communale, nationale, continentale, mondiale. C'est la même pour tous. A mon avis, une démocratie, ça part de la base : c'est-à-dire plus le niveau d'agrégation politique est large, plus nous sommes loin des acteurs politiques, plus c'est difficile de les contrôler et plus nous sommes exposés aux abus de pouvoir et aux injustices. Donc il est très important que, sur le modèle de la Fédération des communes, la Démocratie soit au niveau communal, cantonal, et que l'agrégation des humains pour faire une société se fasse sur le modèle de la fédération mais en partant du bas, pas avec une fédération impériale comme celle qui est imposée par l'Union Européenne, donc par les banquiers. Cela est la négation de la Fédération. Les institutions européennes ont été voulues, soutenues, financées par des banquiers et des multinationales, c'est-à-dire nos pires ennemis, et pour moi, c'est indémerdable, je vois pas d'autres solutions que de sortir de ce piège politique.
Et après en être sorti, reconstruire un monde qui soit démocratique, c'est-à-dire en partant d'en-bas. Mais alors, qui est capable d'instituer une constitution démocratique ? Sûrement pas les hommes au pouvoir puisqu'ils ont un intérêt personnel vital à ce que nous ne vivions pas en démocratie, à ce que nous vivions dans cette fausse démocratie avec ce faux suffrage universel. Le vrai suffrage universel, c'est quand nous votons nos lois, pas quand nous votons pour nos maîtres. Le vrai suffrage universel, c'est quand nous pouvons, si nous le souhaitons, participer au vote des lois, directement.
Donc appeler "suffrage universel" la désignation de nos maîtres, c'est une escroquerie politique et c'est incroyable que nous y marchions encore ! Je comprends que les paysans de 1789 aient marché, ils savaient ni lire ni écrire, on sortait de l'ancien régime, ils étaient déjà bien contents qu'on leur propose de voter pour leurs impôts... Je comprends qu'ils y aient cru. Mais aujourd'hui, on va tous à l'école, on a tous appris à lire et à écrire, on sait tous ce que démocratie veut dire. On voit bien le hiatus, mais c'est le fossé qu'il y a entre la réalité et le blabla mensonger quotidien des élus et de toute cette clique d'oligarques. On le voit bien... et pourtant nous continuons à faire ce qu'on nous a appris à l'école : "Démocratie = élections. Répète : Démocratie = élections". Il faut faire un effort intellectuel.
A mon avis, on ne devrait pas se disperser à détailler les manigances opaques des maîtres banquiers. Je pense que le fait d'avoir laissé la maîtrise de la monnaie à des acteurs privés est une folie, que ça vient d'un abandon politique au niveau constitutionnel, que cela s'est fait par jeux de corruption élémentaires, c'est simplement par corruption que les gens les plus riches ont pu prendre le contrôle, non seulement de la puissance économique mais aussi de la puissance politique.
Mais il y a une alternative. Plutôt que de continuer à jouer avec des gens qui trichent, on ferait mieux de réfléchir à la règle du prochain jeu qu'on va décider de jouer ensemble. D'ailleurs, on va avoir du mal avec les riches parce qu'ils vont se mettre en travers et ils vont nous voir venir, évidemment. Donc on ne pourra probablement pas se recycler avec les mêmes monnaies, les mêmes sigles monétaires qu'aujourd'hui. C'est-à-dire qu'il va falloir qu'on se prépare à inventer et à imposer une monnaie... car c'est facile de créer une monnaie, ce n'est vraiment pas compliqué. Une monnaie, ça marche simplement sur la confiance. Si nous faisons société et que nous avons envie de le faire, n'importe quelle commune peut créer sa propre monnaie et ça marche tout de suite.
Mais on va avoir des problèmes avec ceux qui ont beaucoup d'argent et il faudrait faire comme une transfusion sanguine intégrale où nous décidions aujourd'hui que la monnaie actuelle ne compte plus pour rien, et donc, tous ces tas d'or qu'ils fabriquaient ne valent plus rien, et maintenant, c'est une nouvelle monnaie et on échange franc pour franc, dollar pour dollar, tout en surveillant bien que celui qui viendrait avec des milliards ne puisse pas échanger.
Il faudra sûrement passer par cette transfusion pour s'émanciper des ultra-riches car il y a chez eux un effet d'accumulation qui les rend extraordinairement corrupteurs.
Donc, l'idée que je propose, sachant qu'on a contre nous des gens qui ont tout l'argent du monde, tous les pouvoirs politiques, les pouvoirs médiatiques, les pouvoirs culturels... je veux dire que si on essaie d'avoir un rapport de force, c'est fini, on est cuits !
Donc il faut être plus malin et ce que j'ai à proposer est quelque chose de plus malin, un peu comme un virus bienfaisant de la démocratie, mais de la démocratie bien comprise, c'est-à-dire qu'il faut qu'on soit sorti de l'escroquerie, c'est un préalable : il faut avoir compris que le mot "démocratie" utilisé aujourd'hui par les régimes actuels est UNE ESCROQUERIE !
Il n'y a pas de démocratie sans tirage au sort. Les Athéniens, pendant 200 ans, se sont protégés des riches, ce sont les pauvres qui ont dirigé pendant 200 ans, grâce au tirage au sort. On ne comprends d'ailleurs pas pourquoi on ne parle plus du tirage au sort. Jusqu'à 1789, tout le monde parlait du tirage au sort, tout le monde savait que la démocratie, c'était le tirage au sort et que l'élection était aristocratique. Jusqu'à 1789, tous les penseurs politiques (d'Aristote à Montesquieu) savaient que le principe de la démocratie, c'est le tirage au sort. Et puis, bizarrement, depuis que c'est les élus qui ont mis en place le gouvernement représentatif, on entend plus parler du tirage au sort. On n'apprend plus cela à l'école.
Bernard Manin, qui se demandait justement pourquoi on ne parlait plus du tirage au sort, a écrit un livre "Principes du gouvernement representatif " dans lequel il a fait un bilan des avantages et inconvénients du tirage au sort. Mais pour des gens comme nous qui n'avons sans doute jamais entendu parlé du tirage au sort, ce livre est un vrai plaidoyer pour le tirage au sort, pour les arguments de protection contre la corruption, contre les injustices, contre l'oligarchie. Lisez ce livre, vous allez adorer !
Puis il y a un autre livre écrit par Mogens Herman Hansen : "La démocratie athénienne à l'époque de démosthène". C'était au 4ème et 5ème siècle et cette démocratie athénienne qui a duré 200 ans est, selon ce que démontre l'auteur, transposable. Alors évidemment on ne prend pas tout, on ne fait pas de la démocratie athénienne un modèle, évidemment, puisqu'ils étaient esclavagistes, les femmes étaient à l'écart, les étrangers n'avaient aucun droit politique. On va pas revenir à cela et il y a des tas de choses à ne pas prendre dans la démocratie athéniene du 4ème et 5ème siècles.
Il faut savoir par contre que pendant 200 ans, pas une seule fois les riches n'ont gouverné. Toujours, à 100%, ce sont les pauvres qui ont gouverné !
Comment ? Les pauvres ? Et c'était pas le chaos, le bordel, ils n'ont pas volé les riches ?
Non non, c'était les pauvres qui gouvernaient et ils ne volaient pas les riches ! Les riches avaient le pouvoir économique mais ils n’avaient pas le pouvoir politique. C’était les pauvres qui gouvernaient !
Alors, retenons déjà ce simple fait : 200 ans du gouvernement des pauvres, avec une société prospère, stable politiquement, une activité politique généralisée comme jamais l'humanité n'en a connu.
Moi, dans ma tête, je me dis que ça vaut le coup de creuser le truc. Je sais bien que des élus vont alors me dire : "Mais Monsieur Chouard, vous êtes en train de décrire un régime esclavagiste. Ne seriez-vous pas vous-même esclavagiste ?" Et bien non, je ne suis pas esclavagiste. "Mais vous êtes peut-être alors machiste car ils tenaient leur femme à l'écart ?" Non plus. Mais je sais aussi que toutes les cités du monde étaient esclavagistes et machistes à l'époque, c'était pas spécifique à la démocratie en ces temps-là.
En fait, ces élus veulent tout mélanger parce qu'ils ne veulent pas qu'on parle du tirage au sort. Evidemment, ça les foutrait au chômage. Je respecte les élus parce que je sais bien qu'il y en a qui sont formidables là-dedans et dévoués... pas tous hélas, mais ok, il y en a. N'empêche que je ne confond pas leur intérêt avec l'intérêt général, et si je m'aperçois que le régime qui consiste à les désigner eux systématiquement est servile aux banques, je vais réfléchir à un autre système.
Et quand je m'aperçois ce que le tirage au sort a permis à la démocratie athénienne... Comprenez bien que les tirés au sort n'étaient pas ceux qui écrivaient les lois, c'étaient les policiers, les juges qui préparaient les lois (car quand on les assimile en assemblée, on dit oui ou non mais on ne les écrit pas). Il y avait un conseil de 500 qui étaient tirés au sort et qui préparaient les lois. Les tirés au sort faisaient ce que l'Assemblée ne pouvait pas faire, mais le tiré au sort protégeait le citoyen (c'était pas des électeurs mais des citoyens qui votaient leurs lois) contre les voleurs de pouvoir. Ca leur garantissait que jamais leurs serviteurs ne deviendraient leurs maîtres, ça garantissait que les serviteurs allaient rester leurs serviteurs. Le tirage au sort permettait d'affaiblir le pouvoir.
Le peu de pouvoir que les athéniens déléguaient, il le déléguait par tirage au sort et en le contrôlant. Ils avaient mis en place des tas d'institutions de contrôle des tirés au sort. Etre tiré au sort, c'était une charge, pas un fromage comme ce que vivent nos élus.
Je sais qu'on cite en ce moment le cas de l'Islande qui ont élu leur Assemblée constituante. En Tunisie aussi mais ils ont perdu ; à mon avis, en Tunisie, ils vont instituer à nouveau leur impuissance, comme tout le monde. Pour l'Islande, ça risque d'être un peu particulier parce que leur élection d'Assemblée constituante était libre, donc ça met un biais : y a pas 100% d'hommes politiques là-dedans, ils pouvaient élire qui ils voulaient. Le fait est que l'élection conduit à la désignation de notables et que les notables, souvent, c'est pas des révolutionnaires, ils vont pas tout changer, donc je pense qu'on sera largement déçu - j'espère que non, mais ce système, c'est pas ce dont je vous parlais.
Ce dont je vous parlais, c'est le tirage au sort de l'Assemblée constituante et il faut que ce soit n'importe qui qui écrive la Constitution.
Il y a quand même eu un tirage au sort en Islande, mais voyez comment sont les politiciens professionnels qui ont lancé ce processus en Islande et ils ont prévu une Assemblée tirée au sort. Mais c'est pas l'Assemblée tirée au sort qui a écrit la Constitution. L'Assemblée des tirés au sort a dit les grandes ligne de ce qu'ils voulaient. Après, c'est l'Assemblée élue qui a écrit les règles, normalement, mais sans qu'il y ait de contraintes réelles, en respectant le cahier des charges, la feuille de route écrite par l'Assemblée des tirés au sort.
Faut que je vous parle aussi des expériences qui ont eu lieu en Colombie Britanique, à Vancouver, dans l'ouest du Canada : après une période de corruption éhontée et une catastrophe politique, un homme politique se fait éconduire et jure que s'il se fait réélire, il fera tirer au sort une Assemblée constituante, parce que il y en a marre que ce soit toujours des pourris qui écrivent la Constitution. Le gars qui émerge, qui se relève et qui fait. Il se fait réélire et il fait désigner une Assemblée constituante de citoyens qui, parfois, n'ont même jamais pensé à la Constitution. Des gens qui ne savaient pas que ça existait, quasiment.
Les gens qui le veulent se font donc tirer au sort. Les premiers jours, ils sont paniqués parce qu'ils pensent ne rien connaître ou parce qu'ils sentent que ça va vraiment changer les choses. Ils s'arrêtent alors de regarder la télé, le foot, et se mettent à penser à des choses sérieuses, et ils progressent finalement à toute vitesse parce que l'homme demande que ça ; "l'être humain est un animal politique" (Aristote)
Et finalement, ces humains-là se mettent à vite comprendre que dans une Constitution, il faut la séparation des pouvoirs afin de les affaiblir, il faut que les hommes de pouvoir rendent des comptes, il faut qu'ils soient révocables, il faut respecter les initiatives citoyennes, il faut que les juges soient indépendants, il faut des mandats courts et non renouvelables. Tout cela tient sur deux mains, c'est pourquoi les gens comprennent très vite ces principes.
Malheureusement, à Vancouver, ils n'avaient pas vraiment à écrire une Constitution, on leur a demandé juste de reécrire le code électoral et celui-ci est très technique, mais ça été possible et des gens dont c'est pas le métier pourraient très bien écrire une Constitution. Il ne faut pas se complexer en disant "J'y arriverai jamais".
Je peux comprendre que certaines personnes se disent : "Oui mais attention, le peuple ne sera peut-être pas capable de prendre les meilleurs décisions"... mais penser cela n'est pas démocrate, mais aristocrate. Il y a toutefois une définition honnête de l'aristocratie qui consiste à dire : on va essayer de choisir vraiment les meilleurs, et de les tenir en contrôle permanent de façon à ce qu'ils restent les meilleurs. Un système de véritable aristocratie, je pense, serait sûrement meilleur que la démocratie, en mettant en place des institutions qui trouvent les meilleurs, les soumettent à un examen permanent, les punissent quand ils commencent à ne plus être les meilleurs et à trahir l'intérêt général. Mais là, on parle pas de démocratie mais de vraie aristocratie.
Mais on peut contredire ceci par des expériences contraires. Par exemple, sur le sujet de la peine de mort, qui est un chiffon rouge qu'on nous agite tout le temps, du genre : "Si vous laissez le pouvoir au peuple, il va rétablir la peine de mort"... Moi je suis contre la peine de mort, mais si on est vraiment démocrate, si on se dit "on va décider ensemble des choses, il faut être prêt à ce que la décision ne sera peut-être pas celle que vous auriez prise. Sinon, si vous n'acceptez la démocratie que dans un régime qui va prendre les mêmes décisions que vous, vous êtes sans doute quelqu'un de très bien mais vous n'êtes pas démocrate.
Et puis, c'est pas un drame. Si aujourd'hui, ils décident de rétablir la peine de mort, et dans 1 ou 2 ans, ils changent d'avis parce qu'il y a eu une campagne et qu'on a réussi à les convaincre, eh bien on aura changé d'avis. Mais si vous voulez, la peine de mort pour moi, elle est de toute manière appliquée tous les jours dans l'entreprise, en ce moment et à une plus grande échelle que le chiffon rouge qu'on gesticule pour deux ou trois morts. Le travail dans les entreprises tue des milliers de gens, parce que la logique du profit amène à maltraiter les salariés chaque fois que c'est possible. Je ne cherche pas du tout la perfection, je cherche simplement à résister aux abus de pouvoir. J’ai travaillé sur beaucoup de constitutions modernes, elles se ressemblent énormément d’ailleurs, elles sont toutes faites sur le même modèle du gouvernement représentatif qui n’est pas la démocratie, et qui n’a jamais été voulu comme la démocratie. Et nous devons bien comprendre que si nous renonçons au tirage au sort, nous renonçons à la démocratie. La démocratie, qui est le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, doit être matériellement instituée pour qu’elle puisse s’exercer réellement et pas fictivement. Cette démocratie ne peut advenir que protégée par le tirage au sort. Personnellement, je suis “communaliste” par rapport au “nationalistes” ou “mondialistes” Le “communalisme”, c’est l’échelle sur laquelle on a l’impression que la meilleure organisation politique pourra advenir . Par rapport au mondialisme tel qu’il est pensé aujourd’hui – qui est une catastrophe absolue puisque ce sont les entreprises, c’est-à-dire les personnes soit-disant morales que je considère comme les plus immorales qui soient, qui veulent diriger ce monde. Par rapport à ce mondialisme, je préfère le nationalisme parce que c’est le moindre mal, parce que je connais déjà des rouages qui, tout de suite, peuvent fonctionner pour nous protéger contre des abus de pouvoir, du moins un peu, je préfère donc ce nationalisme par rapport à cette lamentable loi de la jungle qu’est le mondialisme qu’on nous prépare en ce moment. Mais, idéalement, une démocratie ne peut pas être nationale. Le national c’est trop grand, on ne peut pas reconnaître nos représentants au niveau national, c’est une idée politique qui est trop grande. Elle n’est pas une fatalité. Peut-être qu’historiquement, elle s’explique, mais aujourd’hui, on pourrait, il me semble, réfléchir à une organisation politique qui redeviendrait sur la cellule idéale qu’est la commune. Une petite structure de 10 000 à 30 000 personnes environ, qui se connaissent, du moins ceux qui ont le goût de la politique et qui se retrouvent à l’Assemblée. Imaginez que dans chaque commune – et on a 36 000 communes en France ! – on est un grand théâtre “à la grecque”, une grande Assemblée de 5000 ou 10 000 personnes, et dans laquelle on déciderait de nos affaires de la commune. Tout ce qu’on peut traiter au niveau de la commune, on le traiterait. Et pour ce qui est des affaires inter-communales, elles nécessitent d’être à plusieurs, par exemple pour faire des voies ferrées, des routes, etc... Par contre, pour les lois, on peut les faire au niveau local. Il y a des lois qu’on a besoin au niveau local et des lois dont on a besoin au niveau national, comme pour l’école, par exemple, ou pour l’armée, la défense, l’électricité. Mais c’est tout à fait imaginable d’avoir l’unité communale, qui nous permet la démocratie et d’avoir en même temps, en plus, la capacité, pour les actions politiques qui les nécessitent, de travailler ensemble entre communes. C’est ce qu’on appelle la Fédération et il y a plein de pays qui pratiquent la Fédération, c’est-à-dire une délégation d’une petite partie du pouvoir (juste ce qu’il faut) pour qu’on puisse garder pour nous l’essentiel, parce qu’à notre niveau, on le contrôle mieux, mais quand on change d’échelle, on le contrôle moins bien. Ce n’est pas révolutionnaire, cela existe déjà. Ce qui serait révolutionnaire, c’est une Fédération des Communes démocratique, c’est-à-dire que la Fédération, c’est une pyramide qu’on connait, mais à la base, on institue une vraie démocratie pour que les gens décident vraiment de leurs affaires, et vient qui veut à l’Assemblée, et si elle est pleine aujourd’hui, on viendra demain si on trouve une place ! Je sais bien qu’il y aura des gens qui se basent sur la taille et qui vont me dire : “Ecoutez, monsieur Chouard, vous êtes gentil mais vous êtes en train de nous décrire un système qui allait bien pour une petite cité antique et archaïque avec des petits problèmes simples, mais c’est totalement irréel pour notre mega, voire giga-société moderne, ultra-complexe.” Eh bien je ne crois pas ça du tout. D’abord, je pense que sur le plan de la taille, l’élection est extraordinairement mal adaptée à la grande taille. D’abord, l’élection politique est une supercherie puisqu’elle consiste à abandonner son pouvoir à un représentant, ce qui est dégradant, une insulte. Si on y réfléchit, on sait bien qu’on est dressé à cela depuis tout petit, mais est-ce qu’on a vraiment besoin d’un représentant ? Rousseau tempêtait en disant : “Cherchez-vous à m’humilier ? Je ne veux pas qu’on me représente, je veux exercer moi-même mes devoirs politiques”. Ca se défend ! Donc, déjà, réduire un citoyen au rôle dégradant d’électeur, c’est quand même un fait majeur. Biensûr, quand cela est à une petite échelle, au niveau d’une commune, vous élisez un maire que vous connaissez parce qu’il est proche. Donc on peut imaginer qu’il y ait une élection à petite échelle car ça tiendrait la route. Mais à grande échelle, c’est du foutage de gueule, forcément ! On ne sait pas qui sont nos représentants au niveau national, encore moins ce qu’ils sont au niveau européen, on n’est pas capable de les surveiller, de vérifier ce qu’ils font ni de les punir s’ils déconnent. Au niveau national, européen ou mondialiste, l’élection fait comme si on pouvait faire confiance aux élus alors que 200 ans d’expériences multiples partout dans le monde montrent que ça ne marche pas et que tous les grands élus sont corrompus. Alors que le tirage au sort assume le fait que nous ne soyons pas parfaits. Les Athéniens savaient qu’ils n’étaient pas parfaits, qu’ils étaient voleurs, menteurs, qu’ils pouvaient être corrompus, mais ils se méfiaient d’eux-mêmes et c’est pourquoi ils se sont dit : “puisque c’est comme ça, on va être tous réalistes, on va tenir compte de cette imperfection, on ne va pas tempêter contre. Par contre, dans nos institutions politiques, on va faire un système dans lequel, tout d’abord, on tire les gens au sort et on ne leur donne pas longtemps le pouvoir parce qu’on sait que le pouvoir les transforme et les rend dingue. De plus, on va les surveiller, les contrôler tout le temps. Le système de la démocratie repose sur la défiance. Il dit : si on veut tous garder le pouvoir tout le temps, nous tous instituons cela pour que nous puissions tous continuer à garder le pouvoir ensemble, sans nous faire voler par des voleurs de pouvoir. Ainsi on va donner peu de pouvoir à peu de personne, et surtout pas longtemps et sans renouvellement. Et ç’est la même règle à tous les étages ! Franchement, ce système est bien plus adapté à la grande taille. Imaginez un système de tirage au sort et le contrôle qui va avec : la rémission des comptes, la révocabilité, les punitions graves quand la rémission des comptes n’a pas donné satisfaction. A Athènes, c’était des jurys de 200 personnes qui faisaient la rémission des comptes, qui évaluaient les tirés au sort, et cela pouvait durer un an. Ca rigolait pas, il fallait vraiment qu’ils rendent des comptes, les tirés au sort. Quand vous avez un système qui institue la défiance, qui organise la surveillance et les punitions – intrinsèquement, la démocratie est organisée comme cela – c’est bien plus adapté à la grande taille. Si moi, simple citoyen, je peux protester contre les tricheries de certains hauts élus et s’il y a vraiment un contrôle à tous les étages, ça c’est la démocratie. Il ne revient qu’à nous de remettre à plat la conception du mot démocratie et le gouvernement représentatif (pour lequel nous votons) n’est pas une démocratie. La démocratie tient à l’amateurisme politique, elle ne veut surtout pas de professionnels de la politique. On me dira : “Oui, mais les politiciens seront moins compétents alors”. Eh bien tant mieux, parce que de toute façon, ce n’est pas eux qui vont décider mais nous. Attention à une chose : quand on remplace l’élection par le tirage au sort, quand on remplace le gouvernement représentatif par la démocratie, il ne s’agit pas de donner tout le pouvoir qu’on donnait aux élus à des gens qui seraient tirés au sort... C’est pas du tout ça. Le tirage au sort va servir à désigner ceux à qui on donne un tout petit peu de pouvoir, ce que l’Assemblée ne peut pas assumer, comme la police, par exemple : l’Assemblée prend une décision et celle-ci doit être appliquée, c’est pas l’Assemblée qui va pouvoir faire appliquer cette décision, il va falloir faire appel à une police. On a besoin d’une justice, de services publics ; ce sont des représentants qui vont faire ça. A l’époque on les appelait des magistras... on les appellera bien comme on veut dans une vraie démocratie mais les tirés au sort, comme la police par exemple, seront nos représentants et ce ne sera jamais les mêmes. Voyez la différence avec la situation actuelle dans laquelle sont l’armée et la police. Bon, l’armée c’est différent car elle était élue, ce sont des gens qui ont des compétences militaires et dont on a besoin pour nous défendre de la partie extérieure. Robespierre, dans un très beau discours sur les Gardes Nationales, distingue la réflexion qu’ils avaient sur l’Armée (des gens qui nous protègent des dangers extérieurs), et la police, les gendarmes à l’époque, donc les gardes nationales qui nous protègent à l’intérieur et qui ne doivent à aucun prix se retourner contre le peuple. Robespierre soulignait qu’il ne fallait surtout pas que ce groupe de gens armés au sein d’un peuple désarmé, soit enkysté et devienne un corps avec un uniforme. Ici Robespierre prédisait qu’en laissant faire cela, on irait à la tyrannie. Hélas, la police est devenu un corps, tout comme l’armée. Jadis, chacun devait faire ses 3 jours pour voir si on était apte à l’armée, puis, si on était apte, on faisait 12 mois d’armée, puis on revenait à notre vie de citoyen. Dans une démocratie, il faudrait instituer cela même dans la police. Les policiers seront de simples citoyens qui, pendant un temps donné (6 ou 12 mois) seront encadrés par quelques professionnels pour faire le lien, pour une compétence dans les enquêtes (on va pas non plus tout bouleverser), mais qu’une grande partie de la police ne soit plus des professionnels mais des citoyens qui défendent la cité, des citoyens qui défendent d’autres citoyens, avec une idée de service public rendu par tous, cela n’est vraiment pas absurde, il faut juste que les institutions s’appuient sur le sens de l’honneur et le dévouement des gens, sur leur sentiment généreux au lieu de s’appuyer sur l’argent. Les êtres humains ont bien d’autres moteurs que l’argent pour travailler. Autre chose. En attendant de pouvoir mettre en place une telle démocratie, on pourrait mettre sur internet des “laboratoires” de démocratie pour voir si ça marche. Il ne faudrait pas l’appeler un parti pour qu’il n’y ait pas d’ambiguité car ce ne serait pas du tout un parti. A la rigueur, on pourrait l’appeler “Le Parti des sans parti” ou un “Parti sans chef et sans programme”. Je sais que ça fait bondir certaines de mes connaissances qui se disent que c’est n’importe quoi... mais ce n’est pas n’importe quoi. Dans la Démocratie, il n’y a pas de chefs, il y a justes des représentants. Justement, on veut pas qu’ils soient chefs. On veut que nous puissions continuer de façon durable à exercer nous-mêmes le pouvoir, nous l’Assemblée, nous le peuple. On ne veut pas de chef quand on est démocrate. C’est anarchiste la démocratie ! Je me rend compte d’ailleurs que ce qu’écrivent les grands anarchistes que je commence lire et à découvrir – des gens formidables –, c’est étonnant qu’on apprenne pas ça à l’école. Kropotkine, par exemple, c’est une pensée lumineuse, généreuse, complètement pacifiée. Il était communiste mais pas communiste au sens marxiste, y a pas d’élite, y a pas d’avant-garde éclairée, y a pas de dictature, y a pas ce mépris des paysans qu’il y avait chez Marx. Mais je disais donc qu’on pourrait imaginer un “laboratoire” sur internet pour simuler à petite échelle un fonctionnement démocratique. Mais ce n’est pas le tirage au sort qui me viendrait à l’esprit pour voir ce que l’Internet nous donne en matière démocratique, parce que c’est plutôt en termes d’expression que l’Internet change beaucoup la donne ancienne. Comme je l’ai déjà dit, le gouvernement représentatif a été créé il y a 200 ans, en 1789, par les français (un peu avant pour les américains). Il ont créé une espèce d’anti-démocratie et, petit à petit, ce qu’il y a dans le génome de l’élection du gouvernement représentatif a conduit à une muselière politique, donc une absence de droit de parole pour la plupart des humains au profit d’une caste de politiciens qui font de la politique pour les plus riches. Le gouvernement représentatif institue un régime politique dans lequel nous devons désigner des maîtres politiques qui vont tout décider à notre place pendant 5 ans et durant ce temps, on n’a rien à dire. Bien sûr, chacun d’entre nous imagine des améliorations du gouvernement représentatif. On se dit : “Il faudrait qu’il soit révocable, il faudrait qu’il y ait un référendum d’initiative populaire, il faudrait qu’il y ait une impossibilité d’accumuler des mandats et d’en avoir plus d’un au même moment, etc...” On imagine tout mais on est toujours dans la logique où, en élisant les gens, on abandonne notre pouvoir. Il faut dire qu’avant l’arrivée d’Internet, nous n’avions pas le droit de parole ; on en parlait en famille et entre amis, mais on était limité à cette échelle et nous n’avions donc aucun droit de parole publique. Il fallait passer par le filtre des partis et des médias pour accéder à la parole publique. Donc ça ne concernait qu’un petit nombre de personnes... Mais Internet survient et donne la parole à tout le monde ! Le fait qu’un individu tout seul arrive à s’opposer à un ensemble de géants qui ont tout les pouvoirs, simplement en fédérant plein de gens autour de lui avec ce média (Internet) qui a échappé - du moins pendant un temps mais ce n’est pas sûr que ça pourra durer - à la maîtrise des puissants du moment, c’est tout de même intéressant parce que la parole à tous et à toutes, c’est un principe démocratique très ancien. Mais est-ce qu’Internet nous permet l’Agora à nous le peuple qui est mis à l’écart par le gouvernement représentatif ? Est-ce qu’Internet peut nous permettre de former une Assemblée ? Je ne le crois pas... A suivre... | |
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